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  • Isolation des piscines : innovation prometteuse ou hérésie ?

Avec 2,46 millions de piscines privées, la France est le premier marché européen pour ce type d’équipement. Ce chiffre ne prend pas en compte les piscines légères, sorties au début de l’été et rentrées dès les premiers frimas qui, certes, font la joie des petits et parfois aussi des grands mais sont plutôt classées dans les équipements de loisir.

On compte deux catégories bien distinctes : les piscines enterrées et les piscines hors sol.

Notre propos n’est pas d’analyser les différentes techniques ou les différents matériaux mis en œuvre même si nous en ferons un bref passage en revue.

Cet article est dédié aux moyens possibles d’allonger les périodes d’utilisation. En effet, sauf à les chauffer, ce qui quand même assez rare (et que, par ailleurs, pour des raisons évidentes de moindre pollution et consommation d’énergie, nous déconseillons vivement), la plupart de ces installations sont portées à température adéquate par le rayonnement solaire.

Or s’il est amplement suffisant en période estivale, le défi est de pouvoir se prêter aux joies de la trempette le plus tôt et le plus tard possible en saison, donc aux moments où notre soleil, malgré le dérèglement climatique, ne brille ni assez tôt le matin, ni assez tard le soir et, bien sûr, pas depuis assez haut dans sa course pour que l’eau du réservoir emmagasine assez de calories pour un usage étendu.

Les particuliers investissent entre 10 et 30 000€ pour une piscine creusée et environ moitié moins pour une piscine hors sol. 

Il faut ajouter à ces débours ceux liés au pool house pour accueillir les divers accessoires que sont les pompes et les filtres, la protection périphérique pour les enfants, les éventuels escaliers pour les bassins hors sol, bref l’enveloppe moyenne totale se situe souvent vers 20 à 25 000 €.

De jeunes étudiants de l’Université d’Anchorage, l’une des trois composantes de l’Université d’Alaska, ont eu l’idée de chercher des solutions lors d’une partie de pêche sous la glace.

Il faut dire que cette région du globe sait ce que veut dire “température basse”.

Ils ont créé une startup, laquelle fonde de grands espoirs sur une technologie que nous croyons pouvoir qualifier de réellement novatrice : un isolant spécifique pour bassins enterrés.

Ce qui est novateur

Là où, depuis des lustres, on nous a inculqué l’idée qu’un des moyens de ralentir la migration des calories consiste à les piéger via de l’air dit captif, maintenu le plus immobile possible par le biais d’air piégé entre des particules, nos jeunes chercheurs ont eu l’idée d’appliquer le même principe à l’eau.

Pourquoi, si de l’air stabilisé ralentit les flux de calories, en irait-il autrement avec de l’eau stabilisée ? Il fallait l’oser et ils l’ont osé, mais les défis, au-delà des idées préconçues qu’on imagine nombreuses, étaient divers, nous allons voir comment ils les ont abordés et sont en passe de les avoir surmontés.

En effet, ils en sont à la recherche d’un partenaire industriel qui produira leur isolant et le commercialisera. 

Situation

Avant même de chercher le ou les composants les plus adaptés, il leur a fallu déterminer le positionnement de leur  isolant par rapport aux parois de la piscine.

La problématique était du même ordre que pour l’isolation des bâtiments : Isolation Thermique par l’Extérieur (ITE), Isolation Thermique par l’Intérieur (ITE), ou travail dans la masse, que choisir ?

Isolation Thermique par l’Extérieur

Une isolation par l’extérieur soumet l’isolant à un milieu très évolutif : la terre de remblai.

Cette dernière pouvant varier en contenance d’eau, se tasse au fil des mois, au moins pendant un an. Vers la surface en contact avec l’air, deux milieux différents favorisent chacun sa propre micro-faune : les organismes aérobies et les organismes anaérobies (pdf). C’est d’ailleurs précisément à ce niveau que les piquets bois se dégradent.

Après plusieurs essais non concluants, cette option a été abandonnée.

L’option ITI s’est imposée petit à petit

Entre autres, attendu que l’étude n’a pas porté sur l’isolation de piscines naturelles (pour des raisons de surface et de présence de plantes) mais de bassins artificiels, c’est-à-dire dans lesquels la qualité de l’eau est maintenue dans les conditions optimales pour s’y baigner par le biais de produits phyto-sanitaires, parmi lesquels le chlore, le milieu ambiant y est, d’emblée, moins chargé en éléments propres à dégrader l’isolant : par exemple, pas de bactéries, pas de moisissures, pas de pourrissement

Isolation dans la masse

L’option “isolation dans la masse” s’est vite avérée très délicate car les parois dans cette configuration doivent, en sus de l’isolation thermique, assurer l’étanchéité aux fuites d’eau … Rédhibitoire !

Dont acte : ITI !

Matériaux

Attendu qu’il a été choisi de positionner l’isolant au contact de l’eau de la piscine, il a fallu chercher des matériaux insensibles à ce liquide et à tous les micro-organismes qui y vivent. 

Origine végétale

Même si l’utilisation d’isolants d’origine végétale semble peu compatible avec le milieu, il a fallu les tester.

Les risques de dégradation du fait des micro-organismes et des pourrissements possibles se sont avérés facilement surmontables du fait de la présence de chlore tel qu’évoqué ci-avant.

Par contre ils se sont avérés insuffisamment rigides car les nageurs, lors de leurs mouvements, touchent couramment les parois. Aucune fibre n’a résisté à ces micro-pressions ponctuelles, aucun liant n’a réussi à apporter une liaison suffisamment forte, pas plus qu’un renforcement nécessaire des fibres afin d’assurer une bonne tenue de la paroi dans l’eau.

Autre difficulté : en marchant au fond de la piscine, malgré une pression au sol amoindrie par la poussée d’Archimède, il s’est avéré que la partie plage devait être abandonnée ou limitée à une hauteur d’eau minimale de 1,10 mètre. Cette hauteur importante permet de disposer d’une poussée d’Archimède suffisante, faute de quoi l’isolant y serait rapidement écrasé et… pas d’épaisseur, pas d’eau captive, pas d’isolation !

Origine pétrochimique

Très sensibilisés par les problèmes liés à l’écologie, à la consommation de ressources fossiles et aux possibilités de recyclage, d’emblée, cette option n’a pas emporté l’adhésion des chercheurs

Ils ont vite été découragés par la nécessité de fixer les isolants mécaniquement pour en empêcher la remontée du fait de leur flottabilité. Cela a aussi généré des difficultés inattendues : la fixation mécanique, laquelle perçait le liner et générait de petites fuites continues.

L’origine pétrochimique et les difficultés liées au recyclage du polystyrène ou du polyuréthane ont fini de détourner les développeurs de cette solution.

L’envie de faire appel à des ressources locales

L’Alaska est bien connu des pêcheurs sportifs, mais une autre pêche y est aussi pratiquée, celle des poissons de fond. 

La pêche industrielle (et les conserveries) est l’une des principales industries en Alaska, entre autres celle du flétan, poisson de fond (bien après le pétrole, dont sont issus le polystyrène et le polyuréthane, mais option non retenue tel que développé ci-avant…)

Qui dit poisson dit écailles ; qui dit conserveries dit écailles en quantité !

Qui dit poisson dit arêtes ; qui dit arêtes de poisson dit… colle de poisson !

Une industrie, une ressource, deux composants ; il suffit de combiner le tout, ce qui a été réalisé par la startup

La colle, dite colle de poisson, est obtenue en faisant bouillir les carcasses et la peau

Elle est utilisée pour coller les écailles ensemble, de façon non étanche afin que de l’eau puisse s’infiltrer entre les éléments et y être rendue captive, ce qui était l’objectif initial : isolation via de l’eau stabilisée entre des éléments solidement liés les uns aux autres.

Contrairement aux fibres végétales, les écailles sont suffisamment rigides pour résister aux agressions du fait des mouvements des baigneurs dans la piscine.

Performance, durabilité, résistance dans le temps, recyclage…

Faute d’avoir été certifié et normé par des organismes officiels, nous en sommes réduits aux suppositions.

Performance

Il est difficile d’apprécier ses performances réelles car tout ce qui concerne ce point est habituellement validé et quantifié par rapport à des fuites par (vidéos) conduction, convection ou rayonnement.

La conduction est possible à évaluer ici, mais nous n’avons pas trouvé les valeurs mesurées en laboratoire.

La convection semble devoir être peu importante compte tenu de l’emprisonnement de l’eau rendue captive et de la fluidité limitée de ce liquide en comparaison de ce que nous connaissons, l’air.

Le rayonnement est assez faible sous l’eau et d’autant plus faible qu’on descend vers le fond de la piscine…

Nous en sommes donc réduits à croire ce que les inventeurs revendiquent : de bonnes performances.

Durabilité, résistance dans le temps

Il ne semble pas qu’il y ait des difficultés de ce point de vue tant les écailles de poisson ne se dégradent pas rapidement naturellement, sauf à être ingérées par des animaux qui les dégraderont avec leurs sucs gastriques.

Compte tenu de l’appétence des gallinacés pour les écailles de poisson, il ne faut pas les laisser accéder à cet isolant, ce qui, du fait de leur aversion pour l’eau, est peu probable.

Recyclage

Par contre, lors de la déconstruction, le broyage de cet élément et sa réduction en poudre semble être très intéressante pour les gallinacés et aider nos poules à doter leurs œufs d’une coque bien solide.

Précaution particulière

Extrait de Wikipédia au sujet de la colle de poisson : ”De bon pouvoir adhérent, elle sèche lentement et son collage est réversible (avec un mélange alcool et eau).

La colle de poisson est donc réversible avec de l’eau et… de l’alcool.

Il suffit de ne pas vider le pastis dans la piscine !

Conclusion

Si ce que nous avons découvert s’avère se confirmer, il se pourrait que l’usage des piscines puisse être étendu sur une période plus longue chaque été.

Cependant, est-ce que cette amélioration rend une piscine pertinente et écologique ?

Pour nous, clairement NON et, à ce titre, nous ne dirons jamais assez que la piscine la plus écologique est celle … que l’on s’abstient de construire sauf à faire le choix d’un bassin naturel !

[Epilogue] : « En ces temps difficiles de confinement, il nous a semblé que nous pencher sur un sujet léger et … inutile pourrait changer des infos anxiogènes du moment.

… Vous l’aurez compris : bon poisson d’avril !

Restez chez vous aussi longtemps que nécessaire, prenez soin de vous et de vos proches et … bonne trempette pour tous quand le moment et l’autorisation seront venus. »

Crédits photos : pixel2013, pexels, ako9 et barbarajackson pour Pixabay, Kallerna sur wikipédia

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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