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  • Isolation par l’intérieur (ITI), est-ce encore pertinent ?

En France, pendant des années, la question ne se posait pas. L’isolation consistait obligatoirement à rajouter un isolant à l’intérieur. Depuis plusieurs années, la tendance évolue avec un recul de l’Isolation Thermique par l’Intérieur (ITI) au profit de l’Isolation Thermique par l’Extérieur (ITE).

Dans le collectif et le tertiaire, de plus en plus de réalisations neuves sont désormais Isolées par l’Extérieur. Il semble par contre que pour ce qui concerne les maisons individuelles il n’en va pas de même, la tradition de l’Isolation Thermique par l’Intérieur (ITI) perdure souvent.

La remise en cause de l’isolation par l’intérieur semble plus rapide pour les rénovations de maison anciennes. Les offres se sont multipliées dans ce sens. Nous allons, au fil de cet article, analyser les techniques d’isolation par l’intérieur. Nous y aborderons ses avantages, ses inconvénients et les contraintes qui l’entourent.

Est-il pertinent d’isoler par l’intérieur ?

Dans le cadre d’une construction neuve, il nous semble que, hors des questions de budget, aucune justification ne peut l’expliquer.

Dans le cadre d’une maison ancienne, des raisons évidentes peuvent nous empêcher de faire autrement. Parfois, plus que des raisons, il peut même s’agir de contraintes.

Maisons récentes en béton ou dérivés

Isoler une maison récente, en béton ou en parpaings, les deux au ciment Portland, donc avec d’emblée des murs peu perspirants, si d’importants travaux intérieurs ne sont pas envisagés, ne prête guère à discussion.

Leurs façades sont assez facilement reproductibles, leur perspiration est très faible, leur niveau d’équipement intérieur (électricité et autres réseaux …) est correct, les normes de sécurité qui ont prévalu lors de leur construction sont d’un bon niveau, tous arguments qui incitent à se tourner vers l’ITE.

Maisons anciennes à murs massifs

Il n’en va pas de même pour des bâtisses anciennes, âgées souvent de plus de 100 ans. Elles ont généralement été conçues avec d’autres modes de fonctionnement que celles que nous envisageons désormais.

Il est important de tenir compte de ces faits pour tous travaux à y réaliser. L’isolation ne fait pas exception.

Ce sujet a été abordé ici dans un article intitulé “Murs en pierre, leurs atouts et leurs contraintes”.

Architecture

Il peut être légitime de conserver l’aspect extérieur originel de maisons anciennes dont le cachet ou la typicité régionales y incitent. Il serait dommage de cacher une belle façade ou une architecture signée d’un architecte de renom …

Impossibilité législative

Il n’est pas autorisé d’intervenir librement sur les façades d’une maison située dans le périmètre d’influence d’un bâtiment inscrit au répertoire des monuments historiques.

La bâtisse peut s’inscrire dans un ensemble architectural qui serait déséquilibré suite au changement de l’une des façades et pas des autres. Cette conservation de l’unité architecturale peut être imposée par les services administratifs dont dépend le lieu.

Travaux intérieurs

Dans le cadre d’un rénovation générale d’un bâti ancien, des travaux d’importance peuvent être prévus à l’intérieur. Si ceux-ci concernent les murs extérieurs et qu’il est prévu d’en changer l’aspect intérieur, il pourrait s’avérer dommage, voir non pertinent, de les doubler d’une autre intervention par l’extérieur.

Contraintes et précautions

Murs anciens

Remontées capillaires

Les murs anciens ont généralement été montés sans rupteur de remontées capillaires. Consulter à nouveau l’article intitulé “Murs en pierre, leurs atouts et contraintes”. Pour rappel, les remontées capillaires représentent un apport d’eau en provenance du sol. Cette eau arrive avec une minéralité dont elle s’est chargée au fil de son cheminement dans le sol. Lorsque l’eau s’évapore, les minéraux dont elle est chargée se déposent. C’est ce qu’on appelle le salpêtre. Il est très important de bien gérer cette eau. En trop grande quantité, elle peut poser problème et générer des pathologies dans le bâti (pourrissement de bois intégrés au mur, rouille des ferrailles d’armature , fragilisation des mortiers d’assemblage …)

Il est primordial de bien gérer ces flux.

Flux de vapeur

De par notre métabolisme ou du fait de nos activités (vaisselle, lessive, toilette …) nous émettons beaucoup de vapeur d’eau, de l’ordre de 3 à 4 litres par adulte et par jour. Cette eau dans l’air est nécessaire à notre vie mais … en quantité limitée, de l’ordre de 7g par kg d’air (environ 0,8m3 d’air). Pour une maison de 100 m2 avec le plafond à 2,5 mètres, la teneur en eau proche de l’idéal pour y ressentir du confort est donc de 100m2 x 2,5m x 0,8m3 x 7g = 1400 gr. Ces 1400 gr d’eau représentent à peu près le ⅓ des apports journaliers d’un adulte qui y vivrait à plein temps …

Cette eau venant s’ajouter à celle des remontées capillaires, il apparaît évident qu’une gestion pointue de l’eau dans l’air s’impose !

Compléments à l’isolation par l’intérieur

Les murs anciens, de par leurs remontées capillaires et leur nécessaire évacuation sous forme d’évaporation influent sur le confort. C’est particulièrement vrai l’été. En effet le passage d’eau de l’état liquide à l’état gazeux consomme de l’énergie, ce qui a pour conséquence de faire chuter la température. D’où le sentiment de frais dans les vieilles bâtisses à murs massifs en terre, pierre, briques et autres.

Si ce phénomène d’évaporation de l’eau l’été est un avantage, il est préférable, l’hiver, de l’éviter. Il peut même être intéressant de bénéficier de l’inverse : le passage de l’état gazeux à l’état liquide libère de l’énergie.

Peut-on espérer les deux ? Oui, c’est possible, mais il faut s’en donner les moyens.

Il est infiniment plus complexe de gérer les flux d’eau dans les murs anciens que dans les murs récents, mais ce n’est pas impossible !

Pare-vapeur

Afin de réguler le flux de vapeur de l’air ambiant et lui permettre de s’échapper via le mur, il y a des précautions à prendre.

Nature du mur

La première nécessité est de bien connaître la composition du mur. savoir qu’il est en pierre n’est, par exemple, pas une information suffisante. Toutes les roches n’ont pas les mêmes caractéristiques de dureté, de friabilité, de densité et plein d’autres critères dont … la perméance à la vapeur d’eau. Cette caractéristique est déterminante pour apprécier les capacité de perspirance de la paroi. Il s’agit de la faculté qu’aura une paroi à laisser migrer la vapeur d’eau.

Une fois connue la nature du matériau porteur, il faut aussi s’assurer que le mur n’est pas crépi avec un mortier au ciment Portland ou que les joints ne sont pas, eux non plus, au ciment Portland. Nous avons abordé le sujet des inconvénients du ciment dans un article intitulé “Comment les cimentiers nous trompent avec de vraies infos !”. On se rend aussi bien compte des désordres possibles de ce produit sur les murs anciens lors du visionnage de cette vidéo intitulée “Les méfaits du ciment Portland sur des murs anciens”.

Dans le cas où le mur est très fermé par ces éléments au ciment Portland ou à cause d’autres produits aux mêmes caractéristiques de non perméance, il faut les déposer et les remplacer par d’autres de la qualité requise. On peut par exemple changer un crépi au ciment Portland par un crépi à la chaux.

Type de pare-vapeur

Une fois ces précautions prises, il est nécessaire de choisir un pare-vapeur en capacité de gérer le flux de vapeur selon les besoins.

L’été, ce pare-vapeur doit être très ouvert pour permettre l’évaporation éventuelle des remontées capillaires.
L’hiver, il doit être relativement fermé pour limiter les apports de vapeur d’eau dans l’isolant.

Les quantités de migration possible de vapeur d’eau s’expriment en équivalence de mètre d’épaisseur d’air. L’unité est le SD (Sparyind Diffusion). Ceci a été développé ici dans un article intitulé “Le pare-vapeur et ses fonctions”.
Il faudra choisir un pare-vapeur à SD variable. Plus le spectre est élevé, meilleure sera la solution.

Isolant

Différents types d’isolants. Source : Maja Sogurstamine

En certaines circonstances, certes rares mais possibles, de la vapeur d’eau peut se trouver en excès dans l’isolant. Un choc thermique important peut se produire et provoquer un point de rosée qui, si le froid extérieur est intense, peut se situer dans l’isolant.

Pour rappel, un point de rosée matérialisé dans un isolant fibreux a pour conséquence de remplacer l’air captif (un des éléments opérants de ce type d’isolant) par de l’eau et donc de diminuer considérablement ses capacités.

Une école de pensée conseille de ne pas isoler trop afin que le mur reste suffisamment chaud pour que le point de rosée demeure dans le mur … Si on pousse le raisonnement au maximum, on isole ou on n’isole pas ?

Nous préférons une autre école …

Faire le choix d’un isolant à bonne capacité hygroscopique

Certains isolants (vidéo) ont de très bonnes facultés au plan de la rétention d’eau.

C’est ce qu’on appelle la capacité hygroscopique. Il s’agit de la faculté qu’a un isolant à se charger d’eau sans perdre ses pouvoirs isolants.

Il fonctionnera alors à l’image d’une laine vierge en comparaison avec une fibre synthétique.
Les marins pêcheurs ne s’y trompent pas, leurs pulls sont en laine véritable !

Nous vous conseillons vivement d’opter pour un isolant d’origine végétale.

Ventilation

Compte tenu de l’étanchéité désormais apportée aux bâtis conjuguée à des apports d’eau dans l’air plus importants, il est nécessaire de coupler l’isolation de murs par l’intérieur avec la mise en œuvre d’une ventilation.

En renouvelant l’air de façon régulière, cet équipement évacuera aussi l’eau qu’il contient. Ceci limitera les quantités que les parois devraient évacuer à elles seules si cet équipement n’était pas présent. Ce sujet a été abordé ici dans un article intitulé “Qualité de l’air : pourquoi faut-il ventiler ?”.

A faire ou ne pas faire

Faut-il “coller” l’isolant contre la paroi ?

Tout dépend de la nature de l’isolant.

S’il est d’origine pétrochimique, minérale ou métallique (produits réfléchissants), il est conseillé de ne pas mettre en contact l’isolant et le mur. En effet, ces matériaux n’ont pas la capacité d’assurer la continuité de capillarité entre les éléments, dépourvus qu’ils sont de toute capacité de conduite de l’eau ou de la vapeur d’eau. Cette précaution permet, entre autres, de limiter les risques liés aux remontées capillaires. Cette précaution nécessaire limite les bénéfices de l’isolant (vidéo).

Si, par contre, l’isolant mis en œuvre est doté de capacités de transit de l’eau, il est vivement conseillé de plaquer l’isolant contre le mur, de la façon la plus rigoureuse possible. Les isolants d’origine végétale assurent très bien ces fonctions.

Bois ancrés dans les murs, non débouchants

Les bois ancrés dans les murs anciens sont de potentielles sources de problèmes au plan de la migration de la vapeur d’eau.

Le risque est, qu’en présence d’un pare-vapeur, de grandes quantités de vapeur d’eau en recherche de transit vers l’extérieur se retrouvent dans ces pièces de bois (poutres, solives …).

Si, effectivement, une grande quantité de vapeur s’y concentre, attendu qu’elle ne pourra pas poursuivre son chemin librement vers l’extérieur, un point de rosée a toutes chances de s’y développer.

S’il perdure, le bois risque de pourrir. C’est une pathologie couramment rencontrée, y compris avec des murs non isolés.

Solution

Cette problématique est parfaitement gérable.

Il faut combiner diverses précautions.

  • la toute première est l’installation d’un système efficace de renouvellement d’air (s’il n’y en pas encore).
  • la deuxième est de bien s’en tenir à l’utilisation d’un pare-vapeur hygro-variable. Cette faculté permettra le retour de la vapeur d’eau vers l’intérieur de l’habitat si les conditions le nécessitent et l’imposent : SD variable !
  • la troisième est de bien choisir un isolant adapté (vidéo) (d’origine végétale autant que faire se peut).

Murs massifs de refend

Ils sont générateurs d’un pont thermique au droit de leur liaison avec les murs extérieurs.

Solution

Faire courir l’isolation vers l’intérieur sur chaque face de ces murs, sur au moins 60 cm, va amoindrir considérablement ce handicap.

Un enduit correcteur d’effusivité réduira les effets d’inconfort avec une moindre épaisseur.

A s’interdire

La mise en œuvre d’un isolant étanchéifiant. Il sont relativement nombreux.

On compte parmi eux :

Tous ces produits gêneront  l’évaporation de l’eau issue des remontées capillaires ainsi que la vapeur d’eau provenant de l’air ambiant. Ils ont été analysés ici selon les liens proposés.

Autre solution

Enduit correcteur d’effusivité

Il n’est pas possible de traiter de l’ITI sans aborder le sujet des enduits correcteurs d’effusivité.

Il ne s’agit pas, à proprement parler d’une isolation. Cependant ces enduits permettent d’améliorer l’effusivité, cette capacité à capter, stocker et restituer les calories. Ce sujet mériterait, à lui seul, un développement général.

Conclusion

L’isolation par l’intérieur n’est pas dénuée de handicaps de diverses natures.

Voyons les handicaps liés à l’habitabilité et à l’exploitation. Si la maison est habitée et exploitée au quotidien ou si les pièces intérieures sont déjà petites au départ, il est évident qu’il est plus pertinent de s’orienter, dans la mesure du possible, vers une Isolation par l’Extérieur (ITE).

Des handicaps liés à la décoration sont aussi à prendre en compte. Si les occupants ne souhaitent pas refaire de travaux intérieurs d’importance, il est aussi évident que l’ITE représente une option plus adaptée.

Il ne faut bien évidemment pas oublier le handicap des ponts thermiques liés à d’éventuelles dalles et aux murs de refend.

Cependant il ne faudrait pas élever ce handicap à un niveau supérieur à ce qu’il est réellement. Ceci a été développé ici dans un autre article intitulé “Isolation par l’Intérieur ou par l’extérieur ?”.

Cette technique de l’ITI n’est pas non plus sans arguments. Elle permet de répondre efficacement à des handicaps inhérents à la maison elle même.

Pour rappel, ces handicaps peuvent être sur le plan administratif avec, entre autres, l’impossibilité de changer les façades extérieures.

Elle peut même se justifier au plan des ponts thermiques ! Il peut en effet être judicieux d’opter pour cette technique si les combles sont habités et que le toit est isolé par l’intérieur. Cette option permettra de couper le pont thermique des sommets de murs au débouché sur le toit (lequel pont thermique du sommet des murs de périphérie est plus important que celui d’une éventuelle dalle de plancher d’étage …).

Comme nous le voyons, l’Isolation Thermique par l’Intérieur n’a rien d’une technique obsolète, loin s’en faut.

Elle n’est pas non plus l’alpha et l’oméga de l’isolation, simplement une option possible à ne pas négliger sous des prétextes de mode ou d’arguments qui ne prendraient pas toutes les contraintes en considération.

Crédits Photos : Pixabay et Claude Lefrançois

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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