Ancien artisan spécialisé dans l’isolation biosourcée, ancien, et encore de temps à autres, formateur à l’isolation en général, biosourcée en particulier et, encore plus particulièrement, à la mise en œuvre de ouate de cellulose selon toutes techniques possibles, il m’a fallu, tout au long de ma carrière, opérer des sélections.

Je les ai faites non pas selon des ressentis, ce qui est déjà un mode de sélection, mais sur analyse objective des contraintes liées aux règles physiques qui régissent la vie des calories, principalement dans le bâtiment. J’ai aussi pris en considération les actions diverses générées volontairement ou pas du fait de ces choix et sur la recherche du meilleur compromis dans l’atteinte des objectifs initiaux.

Selon quels critères choisir un isolant ? Les définir et, surtout, les hiérarchiser est forcément un peu arbitraire.

Je vais vous présenter dans cet article les critères que, personnellement, je ne retiens pas comme importants ainsi que ceux qui, à mon sens, devraient être la priorité de qui cherche une bonne solution, performante, durable, respectueuse …

Les critères que je ne retiens pas

Economique

Coût le moins élevé possible : c’est là une approche économiste et court-termiste. Parfois même plus court-termiste qu’économique.
En effet, une maison ou un appartement ne sont pas, chez nous, en France, des biens de consommation mais des investissements à long terme, souvent même dans l’objectif de constituer un patrimoine destiné à être transmis. L’isolation doit alors, au même titre que les autres travaux, s’envisager sur du long terme…

La facilité de mise en œuvre

Si, à efficacité, durabilité, respect de l’environnement et tous autres critères, un isolant est plus facile d’emploi, alors bien sûr, il ne faut pas hésiter.
Cependant, ce critère ne doit pas être un des principaux pour opérer un choix.

La disponibilité

Entrepôt de stockage

C’est souvent par défaut de commande ou commande trop tardive que l’isolant choisi initialement doit être abandonné car … non disponible !
Et alors, il faut se rabattre sur un autre qui, lui sera disponible.

Mais pourquoi l’est-il ?

  • parce qu’il est facile à stocker ?
  • parce qu’il ne craint pas la pluie lors d’un stockage en extérieur ?
  • parce qu’il ne représente pas une grosse immobilisation financière ?
  • parce qu’il est d’un emploi très courant ?
  • ou pour d’autres raisons logistiques ou économiques ?

Y a-t-il là un moindre critère qualitatif ?
Non. Ce critère ne doit pas être celui qui présidera notre choix, sachons anticiper …

La technicité

Ce matériau a été inventé par la NASA, développé par toute une équipe de chercheurs et ingénieurs ! Et alors, la bombe atomique aussi a été inventée et développée par de grandes équipes d‘ingénieurs et chercheurs, et pas des moindres !

A-t-on là une exemple bénéfique pour l’humanité ou la planète ?
La technique, c’est bien, mais ça n’est pas une fin en soi, encore moins une justification !

L’agrément CSTB

Document Technique Unifié

Ce produit est agréé par le CSTB ou entre dans le cadre d’un Document Technique Unifié (DTU) … Rappel : l’amiante aussi a été certifié en son temps, avec les évolutions qu’on connaît!

Une certification ne doit pas être considérée comme une preuve de haute performance ou d’innocuité. A contrario un produit peut parfaitement être performant, même en l’absence de certification, ce qui ne veut pas dire non plus qu’il est forcément bien.

Une certification sert à décrire un produit, son process de fabrication, présenter ses modes de mise en œuvre, son cadre d’utilisation et comment il évoluera dans le temps. Elle est nécessaire pour déterminer les responsabilités de chacun en cas de désordre. Rien de plus!

La certification ACERMI

Une certification ACERMI confirme les performances annoncées par le fabricant ainsi que quelques autre points, notamment le tassement. Cette certification peut être une des solutions pour pouvoir bénéficier d’aides financières ou d’avantages fiscaux.

Certification ACERMI

Un produit peut ne pas être certifié ACERMI malgré de bonnes performances isolantes. Soit son fabricant n’en a pas fait la demande, soit il ne répond pas à d’autres obligations pré-requises, particulièrement la mesure de ses performances par l’un des 2 laboratoires eux-mêmes certifiés COFRAC.

Les coûts cumulés peuvent être un frein pour de petits producteurs.
Une certification est un plus, mais n’indique en rien que le produit est, par ailleurs, durable, peu énergivore, inoffensif, … C’est la cerise sur le gâteau mais serait-il sage de choisir un gâteau plutôt qu’un autre simplement à cause d’une cerise à son sommet ?

Le Top 10 des ventes

Tout le monde en pose !

Si c’était pas bon, ça se saurait ! … Pas si sûr que ça se saurait ! Certains fabricants ou industriels ne rechignent devant rien pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! De puissants lobbies sont également à l’œuvre. Les buts de tout ce beau monde n’est pas forcément tant de faire le bonheur de leurs clients que celui, parfois, de leurs actionnaires ! … Pour distribuer beaucoup, il faut gagner beaucoup, pour gagner beaucoup, il faut vendre beaucoup et, pour vendre beaucoup, il faut communiquer beaucoup.Le top dans ce style c’est “Vu à la télé”. Non merci, très peu pour moi !

Les critères que je retiens pour choisir un isolant

La performance isolante

Elle qualifie la capacité d’un matériau à s’opposer au transfert de la chaleur .
2 critères : le lambda et le déphasage. Le 1er mesure la quantité, le 2ème mesure la vitesse.

Le Lambda (λ)

Le lambda

C’est la quantité de chaleur qui traverse un produit homogène en 1 seconde entre 2 parois opposées distantes de 1 mètre et dont la température est différente de 1° Kelvin.

Il mesure donc les quantités de calories qui le traversent. Plus il est élevé, plus de calories passent.
Donc plus le chiffre est bas, meilleur est le lambda. La réglementation impose qu’il soit au plus égal à 0,06 pour qu’un matériau puisse être qualifié d’isolant.

Pour moi, un isolant doit disposer d’un lambda inférieur ou égal à 0,045. En dessous de 0,040, je le considère comme bon, en dessous de 0,038, je le qualifie comme très bon et excellent en dessous de 0,035.

Le déphasage

C’est le temps nécessaire pour qu’une calorie traverse un matériau et passe d’une paroi à l’autre.Dans les grandes lignes, elle dépend de de la capacité thermique massique du matériau, de son lambda et de sa densité de mise en œuvre. Plus cette densité est élevée, meilleur est le déphasage.

Le déphasage, rarement pris en compte, apporte pourtant beaucoup d’avantages : plus une calorie se déplace lentement, plus elle va permettre au matériau traversé de monter en température. Ceci va favoriser une température de surface élevée, donc un rayonnement élevé, gage de confort. C’est l’été que le déphasage présente le plus d’intérêt : il peut permettre de retenir la chaleur suffisamment longtemps pour éviter l’installation d’une climatisation.

Voir la vidéo dédiée : https://youtu.be/A_Xc2qeaNig

Le comportement face à l’eau

On entend souvent dire que l’air est le meilleur isolant. Ce n’est pas vrai, le meilleur isolant c’est l’absence d’air, le vide. Mais, bien que de nombreux essais sont faits dans ce domaine, il n’est pas possible de créer un vide continu dans une paroi, alors on se contente d’y stabiliser l’air rendu captif, soit parce qu’enfermé dans des bulles fermées, soit parce qu’emprisonné entre des fibres.

L’isolant doit rester sec. Le remplacement de cet air par de l’eau ferait chuter terriblement la performance isolante du produit, le lambda de l’eau étant infiniment moins bon que celui de l’air, sans parler des effets secondaires que cette eau pourrait produire dans l’isolant.

Cette eau peut se trouver là de 3 façons :

  • défaut d’étanchéité. Il faut faire intervenir le spécialiste nécessaire (couvreur, zingueur, charpentier, maçon, …) et réparer la cause de la pénétration,
  • remontées capillaires (voir l’article dédié de Sylvain TEFFAUT – pdf)
  • condensation de la vapeur d’eau

La condensation de la vapeur d’eau, lorsqu’elle se produit dans la paroi, s’appelle le point de rosée. Pour bien réguler ce point de rosée, je vous conseille de prévoir un pare-vapeur entre le parement intérieur et l’isolant. Cependant, à gestion du transit et conditions d’exploitation identiques, les isolants ne vont pas tous se comporter de la même façon.

La nature du matériau va influer considérablement sur l’ampleur du point de rosée, voir sur sa non apparition. Deux qualités sont à privilégier :

  • les capacités hygroscopiques qui vont permettre d’absorber beaucoup d’eau sous forme de vapeur, ceci n’influera pas sur ses capacités isolantes mais permettra, via la fixation d’eau sous forme de vapeur, de retarder l’apparition du point de rosée ainsi que d’en limiter l’ampleur.
  • la perspiration : c’est la capacité qu’aura un isolant à laisser la vapeur d’eau le traverser.

Vous l’avez compris, autant que possible, éviter tout isolant imperméable.

Le vieillissement

Un isolant fibreux se dégrade lorsque ses fibres ne sont pas déformables.

Le gel est leur ennemi N° 1 : en cas de point de rosée matérialisé, des gouttes d’eau se posent sur les fibres. Si ces gouttes gèlent, elles se solidarisent avec leur support en gelant d’abord à leur périphérie. Si le gel perdure, elles vont geler à cœur et se dilater. Si les fibres support sont non déformables, elles vont se briser sous l’effet de cette dilatation, ce qui provoquera une déstructuration de l’isolant.

Les liens entre les fibres seront toujours là, mais comme ces fibres ne seront plus en continu, l’ensemble ne résistera plus de la même façon au tassement. Il s’en suivra un dégradation générale de l’isolant, un tassement dans les parois avec apparition au sommet d’un espace qui ne sera plus isolé et, en cas de mise en place à plat, perte d’épaisseur et donc de performance.

L’énergie grise

L’énergie pour la production, la mise en œuvre et le recyclage du matériau, dite énergie grise, doit être prise en compte et, bien sûr, il faudra sélectionner les isolants qui, à capacités isolantes proches, feront le plus preuve de sobriété dans ce domaine.

Pour plus d’information, consultez Wikipedia.org/wiki/Énergie_grise

Le bilan carbone

Le rejet de gaz carbonique dans l’atmosphère, ainsi que de quelques autres gaz, posent de graves problèmes au plan du climat. L’énergie grise qu’il aura nécessité, engendrera des rejets de gaz carbonique et, pour cette raison, il faut veiller à faire les bons choix. Le bois est, actuellement, le seul piège à carbone que nous connaissions et qui soit fonctionnel … à condition de le conserver à long terme sous forme de bois. Certains isolants sont fabriqués à base de bois et, à capacité proche, je les privilégie.

Les COV

Taux d’émission dans l’air intérieur

L’isolant choisi devra, en toutes circonstances, respecter l’habitat et ne pas émettre de Composant Organique Volatile. Le minimum requis vis à vis des COV est de choisir des isolants de classe A.

La recyclabilité

Écologie et pertinence obligent, il faut privilégier les matériaux recyclables.

La présentation du matériau

Exemple de ce qu’un vrac peut permettre, ici ouate de cellulose projetée humide

J’entends par présentation, la nature de l’isolant : en vrac, en panneau, en rouleau ?
Cette présentation pourra avoir une influence sur le taux de remplissage et donc, selon que l’espace dévolu à l’isolation aura été, ou non, bien comblé, sans espace ou couloir propre à favoriser les courants d’air, la performance réelle ne sera pas de même niveau.

Chaque fois que possible, je favorise les présentations en vrac, souvent plus difficiles et délicates à mettre en vrac mais, par nature, plus aptes à remplir le moindre espace et s’adapter à toutes les formes.
Je conseille, pour ces présentations vrac, la mise en œuvre par des professionnels, qui plus est, formés et compétents.

Le comportement au feu

Tableau de correspondance des normes d’isolation

Je finis volontairement par les critères face au feu.Les incendies domestiques font 10 000 victimes par an en France, dont 800 morts. Ils sont, après les maladies infectieuses, la 2ème cause de mortalité des enfants de moins de 5 ans.

Il faut toujours être très vigilant quand à la sélection des isolants face à ce risque incendie. Là, il n’est pas pris qu’un pari financier ou de confort, c’est de mort dont on parle. La plupart des victimes d’incendie le sont du fait des vapeurs toxiques, pas de la chaleur.

Choisir son isolant parce qu’il ne brûle pas n’est pas suffisant. Il devra aussi ne pas émettre de vapeur toxique sous l’effet de la chaleur.

Attention, qu’il soit ignifugé ne change rien en matière d’émanations toxiques en cas d’exposition à la chaleur, celles-ci étant quasi les mêmes, mais alors provoquées par pyrolyse.

L’isolant devra aussi ne pas transmettre la chaleur, ce qui n’est pas la même chose que de ne pas brûler ! S’il dispose d’un bon déphasage, la chaleur ne le traversera que très lentement et ainsi le feu restera confiné plus longtemps là où il a démarré, permettant l’évacuation des lieux.

Enfin, pour tout ce qui concerne les expositions régulières et importantes à des sources de chaleur, il faudra choisir, au moins à proximité, un isolant classé M0 selon l’ancienne législation ou selon le nouveau classement A1 et se conformer aux prescriptions du CSTB pour toutes les règles de mise en œuvre, entre autres pour les isolants vrac, de quelque nature qu’ils soient, lorsqu’ils sont mis en œuvre en combles.

Consultez ce document de la Commission chargée de formuler des Avis : TechniquesCPT 3693-V2 – CSTB Évaluation

Je vous propose 2 vidéos assez édifiantes sur certaines croyances quant à la résistance d’un bâtiment au feu, du fait, entre autres, de l’isolant choisi.

Test de feu sur une maison paille : https://youtu.be/gFZz3DXniDw

Comparatif modules avec isolants différents : https://youtu.be/bIayU7N9e34

Conclusion

Les critères que je vous propose ici sont les miens. Ils peuvent ne pas être partagés et je ne les prétends pas exhaustifs, mais pertinents. J’espère qu’ils vous aideront dans vos réflexions et, au final, vos choix.

Vidéo sur le déphasage : Déphasage thermique
Vidéo sur la conduction : La conduction
Vidéo sur les qualités des isolants : Isolants : leurs qualités et leurs limites
Vidéo sur les incendies : Les incendies domestiques

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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