Le dioxyde de carbone (CO2) est devenu un sujet incontournable lorsqu’on parle de qualité de l’air intérieur. Cette molécule, souvent perçue comme inoffensive, mérite pourtant une attention particulière tant pour son impact environnemental que pour ses effets directs sur notre santé quotidienne. Nous allons explorer ensemble ce que représente réellement le taux de CO2 dans l’air intérieur et pourquoi nous devrions nous en préoccuper davantage.
Le CO2, ce compagnon invisible de notre quotidien
Le dioxyde de carbone est un gaz naturellement présent dans notre atmosphère. À l’extérieur, sa concentration avoisine les 400 parties par million (ppm), soit environ 0,04% de l’air que nous respirons. Cette concentration, bien que faible, ne cesse d’augmenter d’année en année en raison des activités humaines, notamment la combustion d’énergies fossiles.
Mais le CO2 n’est pas qu’une préoccupation environnementale liée au réchauffement climatique. À l’intérieur de nos habitations, bureaux et écoles, sa concentration peut rapidement grimper pour atteindre des niveaux préoccupants. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous, êtres humains, sommes des producteurs naturels de CO2 par notre respiration.
Nous passons environ 90% de notre temps dans des espaces clos. La question de la concentration en CO2 dans ces environnements devient donc cruciale pour notre bien-être et notre santé.
Notre air intérieur : un cocktail potentiellement toxique
Contrairement à ce que beaucoup pensent, l’air intérieur est généralement plus pollué que l’air extérieur. Jusqu’à 5 fois plus selon certaines études. Notre air intérieur n’est pas magiquement généré. Il s’agit d’air extérieur qui a pénétré dans nos habitats. Et en l’absence de renouvellement suffisant, il se charge progressivement de divers polluants.
Le CO2 fait partie de ces polluants, mais il présente une particularité : il est un excellent indicateur du confinement de l’air. En effet, plus nous sommes nombreux dans une pièce mal ventilée, plus la concentration en CO2 augmente rapidement. Cette augmentation s’accompagne généralement d’une accumulation d’autres polluants potentiellement plus nocifs (composés organiques volatils, particules fines, etc.).
Le problème est que nous ne disposons pas de capteurs naturels pour détecter le CO2. Ce gaz est inodore, incolore et, à des concentrations modérées, ne provoque pas de réaction immédiate et évidente. Nous pouvons donc vivre dans un environnement chargé en CO2 sans même nous en rendre compte, jusqu’à ce que des symptômes apparaissent.
Quels sont les effets du CO2 sur notre santé ?
Il est important de ne pas confondre le CO2 avec le monoxyde de carbone (CO). Ce dernier étant un gaz hautement toxique pouvant entraîner la mort même à faible concentration. Le CO2, quant à lui, n’est pas considéré comme toxique aux concentrations habituellement rencontrées dans nos intérieurs. Mais ses effets sur la santé sont néanmoins réels et mesurables.
Voici ce que nous observons à différents niveaux de concentration de CO2 dans l’air intérieur :
- Entre 1000 et 1500 ppm : premiers signes d’inconfort, diminution de la concentration, légère fatigue
- Entre 1500 et 2500 ppm : fatigue plus prononcée, maux de tête occasionnels, baisse significative des performances cognitives
- Entre 2500 et 5000 ppm : maux de tête fréquents, somnolence, difficultés de concentration importantes
- Au-delà de 5000 ppm : symptômes plus sévères (nausées, augmentation du rythme cardiaque)
Une étude particulièrement révélatrice publiée dans Environmental Health Perspectives a démontré qu’à partir de seulement 1000 ppm de CO2, les performances cognitives se détérioraient significativement. À 2500 ppm, la diminution était qualifiée de « substantielle ». Certaines capacités, comme la prise d’initiative et l’élaboration de stratégies, atteignent alors un niveau jugé « dysfonctionnel ».
Par ailleurs, le syndrome des bâtiments malsains, caractérisé par des symptômes comme la fatigue, l’irritation des muqueuses et les maux de tête, est souvent associé à des environnements où le niveau de CO2 est élevé. Non pas que le CO2 soit directement responsable de tous ces symptômes, mais il est un marqueur fiable d’une ventilation insuffisante.
La situation dans nos espaces de vie
La situation est particulièrement préoccupante dans certains environnements spécifiques :
Dans les écoles
Les salles de classe sont souvent surpeuplées et mal ventilées. Au Québec, une étude de 2022 a révélé que 22% des salles de classe présentaient des concentrations moyennes de CO2 entre 1000 et 1500 ppm, et 3,5% dépassaient 1500 ppm. Ces chiffres sont alarmants quand on sait que les enfants sont particulièrement sensibles aux effets négatifs d’un air de mauvaise qualité. Et cela a des conséquences directes sur leurs capacités d’apprentissage.
Dans les bureaux
Les espaces de travail ne sont pas épargnés. Dans de nombreux immeubles de bureaux, notamment ceux équipés de systèmes de climatisation qui recirculent l’air sans apport suffisant d’air neuf, les concentrations en CO2 peuvent facilement dépasser les 1000 ppm. Cela se traduit par une baisse de productivité, une augmentation de l’absentéisme et des problèmes de santé récurrents chez les employés.
Dans les logements
Nos habitations sont également concernées. Surtout depuis que l’amélioration de l’efficacité énergétique a conduit à une meilleure étanchéité des bâtiments. Sans système de ventilation adéquat, l’air se renouvelle insuffisamment, entraînant une accumulation de CO2 et d’autres polluants. La situation peut être particulièrement critique dans les chambres à coucher, où des concentrations dépassant 2000 ppm ne sont pas rares.
Le CO2 comme indicateur d’une problématique plus large
Nous devons comprendre que le CO2 n’est pas seulement un problème en soi, mais aussi un excellent indicateur d’une problématique plus large. C’est celle du confinement de l’air et de l’accumulation de polluants divers.
En effet, lorsque nous mesurons des niveaux élevés de CO2 dans une pièce, cela signifie généralement que d’autres substances potentiellement plus nocives s’accumulent également : composés organiques volatils (COV), particules fines, allergènes, etc. Ces polluants sont en partie responsables de l’augmentation spectaculaire des cas d’asthme, d’allergies et d’autres pathologies respiratoires que nous observons depuis quelques décennies.
L’explosion du nombre de personnes souffrant d’asthme ou d’allergies n’est certainement pas une coïncidence. Elle coïncide avec l’évolution de nos modes de vie. En effet, nous passons plus de temps à l’intérieur, dans des bâtiments toujours plus étanches, entourés de matériaux synthétiques émettant des substances chimiques diverses.
Comment savoir si notre air intérieur est de bonne qualité ?
Contrairement aux polluants qui se manifestent par des odeurs désagréables ou des irritations immédiates, le CO2 est sournois. Nous ne le détectons pas avec nos sens. La seule façon fiable de connaître sa concentration est d’utiliser un capteur spécifique.
Les capteurs de CO2 sont devenus plus accessibles ces dernières années. Des modèles comme l’Air Coach, équipés de capteurs à technologie infrarouge NDIR (considérés comme les plus fiables), permettent de mesurer en temps réel le taux de CO2 dans l’air intérieur. Ils alertent également lorsque les seuils critiques sont dépassés.
Ces appareils sont particulièrement utiles dans les écoles, les crèches et les bureaux, où la concentration de personnes est importante. Ils favorisent le développement des réflexes d’aération basés sur des données objectives plutôt que sur des impressions subjectives.
Comment améliorer la qualité de notre air intérieur ?
Face à ce constat, quelles solutions s’offrent à nous ? Comment pouvons-nous réduire les concentrations de CO2 et améliorer la qualité de notre air intérieur ?
L’aération : première ligne de défense
La méthode la plus simple et la plus efficace reste l’aération naturelle par ouverture des fenêtres. Une aération de 5 à 10 minutes, plusieurs fois par jour (idéalement en créant un courant d’air), permet de renouveler efficacement l’air d’une pièce et de faire chuter rapidement les niveaux de CO2.
Cependant, cette méthode présente des limites. Elle n’est pas toujours praticable (conditions météorologiques défavorables, pollution extérieure, bruit…) et peut entraîner des pertes thermiques importantes en hiver.
La ventilation mécanique : une nécessité dans les bâtiments modernes
Pour les bâtiments récents ou rénovés, qui sont généralement très étanches, un système de ventilation mécanique devient indispensable. Les VMC (Ventilation Mécanique Contrôlée) simple ou double flux permettent d’assurer un renouvellement d’air constant tout en limitant les pertes énergétiques.
Les systèmes les plus performants, comme la VMC double flux avec récupération de chaleur, permettent de concilier qualité de l’air et efficacité énergétique.
Les purificateurs d’air : un complément utile
Les purificateurs d’air ne peuvent pas éliminer le CO2, à l’exception de certains modèles industriels très spécifiques. Ils peuvent, en revanche, contribuer à améliorer la qualité globale de l’air en éliminant d’autres polluants (particules fines, allergènes, certains COV…).
Ils constituent donc un complément utile à la ventilation, mais ne peuvent en aucun cas la remplacer.
Vers une prise de conscience collective
Le CO2 dans l’air intérieurs n’est pas qu’une question de confort. C’est aussi un enjeu de santé publique. Il est temps que nous prenions collectivement conscience de l’importance de la qualité de l’air que nous respirons.
Cette prise de conscience doit se traduire par des actions concrètes :
- Équiper nos espaces de vie de capteurs de CO2 pour objectiver la situation
- Développer des réflexes d’aération régulière
- Prévoir des systèmes de ventilation adaptés dès la conception des bâtiments
- Sensibiliser le public aux enjeux de la qualité de l’air intérieur
Notre corps nous envoie souvent des signaux que nous négligeons : fatigue inexpliquée, maux de tête récurrents, difficultés de concentration… Ces symptômes, souvent attribués au stress ou à d’autres facteurs, pourraient bien être liés à la qualité de l’air intérieur.
Conclusion : respirons mieux pour vivre mieux
La qualité de l’air intérieur, et particulièrement la concentration en CO2, est un facteur déterminant de notre bien-être et de notre santé que nous avons trop longtemps négligé. À l’heure où l’on accorde une attention croissante à notre alimentation, à notre activité physique et à notre sommeil, il est temps d’intégrer la qualité de l’air à nos préoccupations de santé quotidiennes.
Car en définitive, nous sommes ce que nous respirons tout autant que ce que nous mangeons. Et si nous n’avons pas toujours prise sur la qualité de l’air extérieur, nous pouvons agir efficacement sur celle de notre air intérieur.
Alors, prenons conscience de l’importance de ce gaz invisible qu’est le CO2. Non pas pour céder à une anxiété supplémentaire, mais pour mettre en place des solutions simples et efficaces qui nous permettront de respirer un air plus sain dans nos espaces de vie.
Après tout, l’air est la première de nos nourritures. Nous pouvons survivre plusieurs jours sans manger, quelques jours sans boire, mais seulement quelques minutes sans respirer. Accordons donc à notre air intérieur l’attention qu’il mérite.
Vidéos sur le sujet de la ventilation sur la chaîne Youtube Papy Claude / Soigner l’Habitat :
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Nous y explorons notamment les différents systèmes disponibles et leurs avantages respectifs. Comme toujours en matière d’habitat, il n’y a pas de solution unique, mais des réponses adaptées à chaque situation !