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  • Air chaud et moisissures : le duo toxique qui envahit votre maison

Avez-vous déjà remarqué ce phénomène étrange ? En hiver, lorsque nous chauffons davantage nos maisons, nous pouvons paradoxalement créer un environnement plus humide à l’intérieur. Ce constat, apparemment contre-intuitif, s’explique pourtant par une loi physique fondamentale que nous allons explorer ensemble.

Cette relation entre température et humidité constitue un élément essentiel pour comprendre les problèmes d’humidité dans nos habitats modernes. Elle explique aussi pourquoi les moisissures prolifèrent souvent dans nos logements bien chauffés et de plus en plus étanches.

La loi physique qui régit l’humidité de l’air

Pour bien comprendre le phénomène, commençons par expliquer simplement ce qu’est l’humidité relative (HR). L’HR mesure la quantité de vapeur d’eau présente dans l’air par rapport à la quantité maximale que cet air pourrait contenir à une température donnée. Elle s’exprime en pourcentage : 100% correspond à un air saturé en eau qui ne peut plus en absorber davantage.

Voici le point crucial : plus l’air est chaud, plus sa capacité à contenir de la vapeur d’eau est grande. Cette relation n’est pas linéaire mais exponentielle, ce qui signifie que l’augmentation est de plus en plus rapide à mesure que la température s’élève.

Prenons un exemple concret :

  • À 0°C, l’air peut contenir au maximum 4,8 g/m³ d’eau
  • À 20°C, cette capacité grimpe à 17,3 g/m³
  • À 30°C, elle atteint 30,4 g/m³

Vous le constatez, entre 0°C et 20°C, la capacité augmente d’environ 12,5 g/m³, mais entre 20°C et 30°C, elle augmente de plus de 13 g/m³ pour seulement 10°C de différence !

Cette loi physique a des conséquences directes sur le confort et la salubrité de nos habitats. Lorsque nous chauffons notre logement, l’air peut contenir davantage d’humidité sans que nous le remarquions immédiatement. C’est seulement lorsque cette humidité rencontre des surfaces froides qu’elle devient visible sous forme de condensation.

Des habitations de plus en plus humides

Notre mode de vie moderne contribue largement à augmenter la teneur en vapeur d’eau de l’air intérieur. Au fil de mes expertises de bâtiments, j’observe régulièrement une augmentation constante des sources d’humidité dans nos habitations :

  • Les douches quotidiennes (contre des bains hebdomadaires autrefois)
  • La cuisine à la vapeur plus fréquente
  • Le séchage du linge à l’intérieur
  • Les nombreuses plantes d’intérieur
  • Les aquariums
  • La respiration et la transpiration d’un nombre croissant d’occupants restant plus longtemps à l’intérieur

Une famille de quatre personnes peut facilement produire entre 10 et 15 litres de vapeur d’eau par jour ! Cette humidité doit impérativement être évacuée pour éviter les problèmes.

Dans le même temps, nos habitations sont devenues de plus en plus étanches à l’air. Les réglementations thermiques successives ont conduit à une meilleure isolation et à une réduction drastique des infiltrations d’air. Ces évolutions, excellentes pour notre consommation énergétique, ont malheureusement créé un environnement propice à l’accumulation d’humidité si la ventilation n’est pas correctement dimensionnée.

Un paradis pour les micro-organismes

Cette combinaison d’air chaud et humide crée un environnement idéal pour le développement des micro-organismes, en particulier les moisissures. Comme le rappelle l’Institut canadien de conservation :

« Les moisissures se nourrissent en ingérant le substrat sur lequel elles croissent. Les fibres cellulosiques, telles que le coton, le lin et la rayonne, sont particulièrement vulnérables. »

Pour que les moisissures prolifèrent, trois conditions doivent être réunies simultanément :

  1. Un milieu chaud (généralement entre 15°C et 30°C, avec un optimum autour de 25°C)
  2. Un milieu humide (humidité relative supérieure à 60-65%)
  3. Une source de nourriture (matériaux organiques comme le bois, le papier, la poussière, etc.)

Dans nos habitations modernes bien chauffées, les deux premières conditions sont souvent satisfaites. Et pour compléter ce cocktail détonnant, nos maisons regorgent de matériaux cellulosiques qui constituent un festin pour les moisissures : papiers peints, plaques de plâtre cartonnées (placoplatre), bois, textiles…

Le mécanisme du point de rosée

Malgré tous nos efforts d’isolation, il reste un phénomène incontournable : le choc thermique vers les parois extérieures. Même avec les meilleures isolations, la surface intérieure de nos murs extérieurs reste généralement plus froide que l’air ambiant de la pièce.

Lorsque l’air chaud et humide circule dans la maison et rencontre ces surfaces plus froides, sa température baisse. Or, comme nous l’avons vu, la capacité de l’air à contenir de la vapeur d’eau diminue avec la température. Si la température de la paroi est inférieure au point de rosée (température à laquelle l’air devient saturé en humidité), l’excès de vapeur d’eau se condense et forme des gouttelettes d’eau liquide.

Ce phénomène est particulièrement visible sur les vitres en hiver, mais il se produit également, de façon moins visible, sur tous les ponts thermiques de l’habitation : jonctions mur/plafond, angles de murs extérieurs, linteaux de fenêtres, etc.

Dans un cas que j’ai personnellement expertisé, une maison récente très bien isolée présentait des traces de moisissures importantes dans les angles supérieurs des pièces. L’investigation a révélé que l’isolation de la toiture était interrompue aux jonctions avec les murs, créant des ponts thermiques où la condensation se formait régulièrement. L’air intérieur, maintenu à 22°C avec une HR de 65%, atteignait systématiquement son point de rosée au contact de ces zones plus froides.

Le cas particulier du placoplatre

Le matériau de construction le plus répandu dans nos intérieurs modernes est particulièrement vulnérable à ce phénomène : le placoplatre (ou plaque de plâtre). Ce matériau est constitué d’une âme en plâtre enserrée entre deux feuilles de carton.

Or, ce carton est principalement composé de cellulose, l’aliment de prédilection des moisissures. Lorsque de l’humidité se condense sur une cloison en placoplatre, nous réunissons toutes les conditions idéales pour la prolifération des moisissures :

  1. La chaleur est présente (nous chauffons nos intérieurs)
  2. L’humidité s’accumule par condensation
  3. La nourriture est abondante (cellulose du carton)

J’ai observé de nombreux cas où des moisissures noires (souvent du genre Stachybotrys) se développaient derrière des meubles placés contre des murs extérieurs, précisément parce que la circulation d’air y était réduite, la température plus basse et la condensation plus fréquente.

Les conséquences sanitaires

Ce développement de moisissures n’est pas qu’un problème esthétique, il constitue un véritable enjeu de santé publique. Comme le souligne Santé Canada :

« Les personnes qui habitent dans une maison où il y a des moisissures et de l’humidité sont plus susceptibles de présenter les symptômes suivants : irritation des yeux, du nez et de la gorge, toux et accumulation de mucus, respiration sifflante et essoufflement, aggravation des symptômes d’asthme, autres réactions allergiques. »

Les moisissures produisent des spores qui se dispersent dans l’air et peuvent être inhalées. Elles produisent également des mycotoxines et des composés organiques volatils microbiens (COVM) qui peuvent être irritants ou toxiques.

Dans une étude menée en Europe, citée par Santé Canada, on a constaté que la prévalence des symptômes asthmatiques variait considérablement selon les pays, avec des taux plus élevés dans les régions à forte humidité relative (Irlande, Royaume-Uni) que dans les régions à climat plus sec (Grèce, Albanie, Russie).

Solutions pratiques

Face à ce cocktail détonnant, quelles solutions pouvons-nous mettre en œuvre ?

1. Contrôler l’humidité à la source

  • Utilisez systématiquement les extracteurs d’air dans la cuisine et la salle de bain
  • Évitez de sécher le linge à l’intérieur ou, si c’est inévitable, dans une pièce bien ventilée
  • Limitez le nombre de plantes d’intérieur dans les pièces à problème
  • Couvrez les casseroles pendant la cuisson

2. Assurer un renouvellement d’air efficace

  • Maintenez un système de ventilation mécanique contrôlée (VMC) en bon état de fonctionnement
  • N’obstruez jamais les entrées d’air
  • Laissez fonctionner la VMC en permanence, même en votre absence
  • Aérez quotidiennement, même en hiver, pendant 5 à 10 minutes (créez un courant d’air)

3. Éviter les points froids

  • Évitez de placer des meubles volumineux contre les murs extérieurs
  • Maintenez une température homogène dans toutes les pièces
  • Isolez les ponts thermiques lorsque c’est possible
  • Utilisez des déshumidificateurs dans les pièces problématiques

4. Traiter rapidement les moisissures existantes

Si vous constatez déjà la présence de moisissures, il est essentiel d’agir rapidement :

  • Pour les petites surfaces (moins de 1 m²), nettoyez avec un détergent ordinaire (pas d’eau de Javel)
  • Pour les surfaces plus importantes, faites appel à un professionnel
  • Identifiez et traitez la cause de l’humidité, sinon le problème reviendra

J’ai récemment accompagné une famille dont la chambre d’enfant présentait des traces de moisissures récurrentes. En analysant la situation, nous avons découvert que le renouvellement d’air était insuffisant, la température trop élevée (23°C) et l’humidité relative importante (70%). En réglant la température à 20°C, en installant une VMC hygro-réglable et en écartant le lit du mur extérieur, le problème a été résolu en quelques semaines.

Conclusion : trouver le juste équilibre

Le paradoxe auquel nous sommes confrontés est celui-ci : nous voulons des maisons chaudes et confortables, mais ce chauffage augmente la capacité de l’air à contenir de la vapeur d’eau, créant potentiellement des conditions favorables aux moisissures.

La solution n’est pas de revenir à des habitations froides et inconfortables, mais de trouver un équilibre pertinent entre confort thermique et qualité de l’air intérieur. Cet équilibre passe nécessairement par :

  • Une température modérée (19-20°C plutôt que 22-23°C)
  • Une humidité relative maîtrisée (entre 40% et 60%)
  • Un renouvellement d’air efficace et permanent
  • Une bonne circulation de l’air dans toutes les pièces

Rappelons-nous que la notion de confort ne se limite pas à la température. Un air trop humide, même chaud, crée une sensation d’inconfort et peut provoquer des problèmes de santé. À l’inverse, un air à 19°C avec une humidité relative de 50% procure une sensation de confort bien supérieure à un air à 22°C avec une HR de 70%.

En comprenant cette relation fondamentale entre température et humidité, nous pouvons adapter nos comportements et nos choix techniques pour créer des habitats à la fois confortables, économes en énergie et favorables à notre santé.

Dans notre prochaine vidéo, nous explorerons plus en détail les effets des moisissures sur la qualité de l’air intérieur et les moyens de les prévenir efficacement. En attendant, n’hésitez pas à surveiller l’humidité relative de votre logement à l’aide d’un hygromètre, un outil simple qui vous donnera de précieuses informations sur la qualité de votre environnement intérieur.

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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