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  • Une peinture qui absorbe le CO2, est-ce écologique ?

S’il est un produit où l’utilisation du terme « écologique » est souvent usurpée, c’est bien la peinture. En voici une nouvelle, d’origine espagnole, Ecosphère, dont l’accroche commerciale nous paraît pour le moins prometteur ! Voyons en détail ce qu’il en est réellement …

Le pitch de départ :

(extraits d’un article qui vante l’Ecosphère)

“Et si, pour recouvrir nos murs de couleur, on pouvait se procurer des peintures écologiques,”

Voilà qui semble une bonne idée.

“… peintures écologiques, non toxiques et non polluantes, …”

Surprise : pourraient-elles être écologiques et, malgré tout, toxiques et polluantes ?
Pour nous, non, impossible ! Alors pourquoi insister ainsi et enfoncer des portes ouvertes ?

“…qui en plus, permettraient d’assainir notre air en absorbant le C02…Plus besoin de rêver, cette peinture existe : elle s’appelle Ecosphere et est fabriquée par Graphenstone !”

Le CO2 serait-il un polluant de l’air de nos intérieurs, présenterait-il un risque d’insalubrité, de désordre pour le bâti, pathogène pour nos organismes ?

Voilà, le décor est posé : nous sommes face à des peintures écologiques et qui assainiraient notre air intérieur par absorption de CO2. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça démarre fort !

Et la suite ?

“Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), de nombreux cancers sont dus à la pollution de l’air intérieur. Or, on le sait les peintures qui recouvrent les murs qui nous entourent, sont généralement des cocktails chimiques, néfastes pour la santé même si elles sont correctement employées. Et nous passons la plus grande partie de notre temps dans des espaces fermés, en contact quasi-permanent avec ce danger sournois.”

Le monstre sort du Loch Ness …

Le mot est lâché : le cancer, validé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). En plus, on vous le dit, les autorités sanitaires sont formelles : “…de nombreux cancers sont dus à la pollution de l’air intérieur.”

La peur, le ressort le plus efficace pour déclencher l’achat. Cette peur est-elle justifiée ?
La première chose à faire serait d’éliminer le risque : envisageons-nous d’utiliser ces peintures si dangereuses, les avons-nous utilisées et nos intérieurs sont-ils déjà atteints ?

  • “Mes peintures ne sont pas encore faites, bon, je vais donc ne pas utiliser de peinture dangereuse”
  • “Mes peintures sont faites depuis longtemps, étaient-elles toxiques ?”

… Oui, elles l’étaient, Aie !

  • “le sont-elles encore ?”
  • “Non, bon dommage pour la période où elles l’étaient, tant mieux pour le futur”

… je vais refaire mes peintures :

  • “L”Echosphère est-elle compatible avec mes anciennes peintures ? va-t-elle adhérer et tenir ?”
  • “Mince, l’article ne nous le dit pas … dommage!”

Quels sont donc les principes actifs de l’Echosphère ?

Heureusement, l’entreprise Graphenstone a développé Ecosphere, une peinture ayant la faculté d’absorber le CO2 et de lutter contre le réchauffement climatique, sans mettre notre santé en danger.

Ecosphere : la peinture qui absorbe le CO2 !

Ouf, on a eu peur ! Heureusement Graphenstone a développé Ecosphère !

Présence de graphène

Peinture d’intérieur ECOSPHERE 100% écologique avec du graphène ( Vente au mètre carré 1.80€/m2 = 2 couches).

Une info : Ecosphère contient du graphène. Et qu’est-ce que le graphène ?

Une invention qui semble prometteuse. Cette matière présente des qualités exceptionnelles :

  • très conductrice, elle peut être classée dans les semi-conducteurs et, de ce fait, trouver un développement très intéressant dans l’électronique.
  • sa grande résistance mécanique pourrait lui permettre d’intégrer les batteries électriques pour les électrodes. Elle en augmenterait le nombre de cycles charge/décharge,
  • résistance à la rupture 200 fois supérieure à celle de l’acier bien que 6 fois plus léger,
  • permettrait de lutter contre certains champignons et bactéries présents dans les hopitaux,
  • et encore bien d’autres, tels que la fabrication d’écrans pliables, …

Un inconvénient toutefois, son prix : en 2008, on parlait de 600 milliards d’euros le m2 . Toutefois, d’après Wikipédia : «Il s’agit d’un calcul qui avait été fait il y a quelques années en tenant compte du fait qu’un très petit nombre de groupes étaient capables d’en produire, en très petite quantité, de l’ordre du millimètre carré. En réalité, le matériau de base n’est rien d’autre que du carbone, ce qui ne coûte pas très cher ! »

Certes les choses ont dû évoluer, mais au vu de ses qualités exceptionnelles et de coût de production, combien de molécules de graphène trouve t-on au m2 ou au litre ?
N’est-on pas, comme dans ces produits alimentaires annoncés contenant un produit noble, lequel représente … 0,01% du produit final ?

Compte tenu de sa conduction thermique, si l’Echosphère en contenait beaucoup, cela lui conférerait d’excellentes capacités de stockage, mais, comme développé ci-dessus, sa probable faible teneur en graphène réduit cette capacité, là aussi, probablement plus au rang d’un argument de communication qu’à une capacité avérée.

Nous aimerions beaucoup avoir une communication des proportions de graphène dans l’Echosphère.
Il faut d’ailleurs reconnaître que le fabricant ne communique pas sur ces capacités de stockage de l’énergie … aveu de trop peu de matière active ?

Lutte contre le réchauffement climatique

“…une peinture ayant la faculté d’absorber le CO2 et de lutter contre le réchauffement climatique, sans mettre notre santé en danger…”

On veut bien croire, mais selon quel principe, de plus le CO2 n’est pas, en soi, un polluant, c’est son excès qui pose problème, lire ou relire, à ce sujet un article précédant et traitant de ce sujet sur ici même : “Carbone, et si on se trompait de combat ?”

“…la chaux artisanale 100 % naturelle sert de base aux peintures Ecosphere. Au contact de l’humidité, la chaux par le mécanisme de prise par carbonatation, absorbe le CO2 et l’élimine. Ceci améliore également la circulation de la vapeur d’eau vers l’extérieur du logement (finie la condensation !). La chaux possède en outre, des vertus antibactériennes, antifongiques et anti-moisissures, et c’est également un bon répulsif pour les insectes.”

Ok ! la chaux, principal composant de l’Ecosphère, lors de sa carbonatation, va consommer du carbone contenu dans l’atmosphère. C’est vrai, mais ça va se produire une fois, au moment précisément de la prise de la peinture, ensuite plus rien.

En faire un argument de lutte contre le réchauffement climatique et de purification de l’atmosphère de la maison relève, pour nous, de l’essai de nous faire prendre des vessies pour des lanternes,… nous ne sommes pas tous des lapins de 3 semaines !

En utilisant trois pots de 15 l de peinture Ecosphere, on absorbe à terme autant de CO2qu’un arbre adulte de 250 kg en un an.

Avec 3 pots de peinture, on couvre combien de m2 en 2 couches ?
Le bois d’un fruitier, lorsqu’il est sec, c’est environ 700 Kgs/m3, vivant c’est plutôt 1000 Kgs/m3. Il doit falloir à peu près 2 arbres comme ceux-là pour atteindre les 250 Kgs !

Voilà, à nos yeux, un bel exemple de greenwashing.

On continue ?

“Les fibres de graphène sont reconnues pour leurs conductivités thermiques, leur grande solidité, leur homogénéité, leur résistance et leur flexibilité. Ceci rend le revêtement plus résistant, lui confère un fort pouvoir couvrant et évite à la surface peinte de se fissurer.”

Probablement vrai, mais les peintures à la chaux sont précisément réputées pour ne pas être filmogènes et donc ne sont pas, de ce fait, particulièrement exposées au risque de fissuration. Alors améliorer un matériau là où il est déjà performant, est-ce bien nécessaire ? Nous préfèrerions apprendre que son adhérence sur tous supports serait améliorée, ça ce serait un réel progrès.
En effet, il est notoire qu’appliquer une peinture à la chaux sur un support ancien type peinture à l’huile ou glycérophtalique n’est pas chose gagnée d’avance.

Améliore la gestion de l’humidité, antibactérien, antifongique et anti-moisissure

“D’autre part, la chaux artisanale 100 % naturelle sert de base aux peintures Ecosphere. Au contact de l’humidité, la chaux par le mécanisme de prise par carbonatation, absorbe le CO2 et l’élimine. Ceci améliore également la circulation de la vapeur d’eau vers l’extérieur du logement (finie la condensation !). La chaux possède en outre, des vertus antibactériennes, antifongiques et anti-moisissures, et c’est également un bon répulsif pour les insectes.”

Là encore, oui, très vrai, mais ça l’est de toutes les peintures à la chaux, pas plus, pas moins pour l’Echosphère que pour les autres.

Anti-allergènes et non-cancérigènes, laissent respirer, Cradle to Cradle

Anti-allergènes et non-cancérigènes, ces peintures pour intérieur naturelles et totalement biodégradables, qui laissent les murs “respirer“, sont disponibles en 11 coloris, à découvrir comme le reste de la gamme de peintures et revêtements écologiques et naturels sur le site de Graphenstone. Et comme l’entreprise a adopté la philosophie des 3R, Ecosphere est certifiée Cradle to Cradle de niveau Gold, pour son cycle de vie entièrement vert et sa participation à l’économie circulaire.

Oui, ces affirmations sont vraies, mais là aussi, ni plus ni moins que pour toute peinture de la même famille. De nombreux fabricants diffusent bien d’autres produits équivalents. Nous ne les prétendons ni meilleurs ni moins bons, mais aussi existants.

S’il ne s’agit pas ici d’affirmations taxables de greenwashing au sens où elles sont vraies, par contre le fait de nous faire croire que l’Echographite présente des qualités exceptionnelles dans ces domaines relève, à nos yeux, d’une action de Greenwashing puisque de nombreux autres produits, pour certains, beaucoup plus anciens, présentent les mêmes qualités.

Notre conclusion est claire : ce produit est peut-être un bon produit dans sa destination première : peinture décorative, mais il ne présente pas de caractère propre à le présenter comme une révolution !

Oui, il s’agit bien d’une forme de greenwashing.

Crédits photos : Graphenstone

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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