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  • Construction individuelle : histoire et matériaux

Si le béton au ciment Portland® domine aujourd’hui largement le marché de la construction individuelle en France, il nous semble intéressant d’en détailler l’histoire afin de voir s’il en a toujours été ainsi. Quelles évolutions a-t-elle connues, quels choix ont prévalus, époque par époque, pourquoi ces choix ? Nos choix actuels ont-ils eu ou vont-ils avoir un impact sur l’avenir, si oui, le(s) quel(s) ?

Avant même toute analyse historique, une simple observation des maisons qui jalonnent nos villes et campagnes laisse entrevoir un panel de techniques constructives et matériaux utilisés très varié : 

  • Béton au ciment Portland®
  • Béton banché 
  • Parpaing
  • Briques
  • Ossature métallique 
  • Pisé 
  • Pierre 
  • Ossature bois

Voilà une revue générale non exhaustive des principaux matériaux utilisés pour la construction, classés grossièrement mais assez représentatifs de la place de chacun dans les techniques et matériaux mis en œuvre aujourd’hui.

Au fil de cet article, nous allons analyser et essayer de comprendre comment et pourquoi, au fil des ans, des siècles, l’habitat a évolué, comment les matériaux, les techniques, s’inscrivent ou se réinscrivent dans l’histoire du bâtiment français.

Nous nous intéresserons ici plus spécifiquement à l’habitat individuel ou groupé, au maximum aux très petits habitats collectifs, à l’exclusion de tous autres. Dans l’approche la plus récente, du milieu du XIXème siècle à nos jours, nous excluons également les immeubles dits de “grande hauteur (pdf)” ou de “très grande hauteur”.

La construction du paléolithique à aujourd’hui

Les plus anciennes traces : – 400 000 ans !

Restitution d’une maison néolithique. Mathilde Dupré, Inrap

Les premières traces d’habitat, à base de bois, trouvées sur notre territoire remontent au paléolithique inférieur, – 400 000 ans. Il s’agit du site nommé Terra Amata, sur le territoire de la ville de Nice. Il ne s’agissait alors que de huttes sommaires avec une structure en branchages, probablement pour un usage très limité dans le temps.

Néolithique

DE – 12 000 à -1 000, l’habitat a évolué vers des maisons le plus souvent communautaires, parfois plus petites, généralement composées d’ossature bois avec des poteaux ancrés au sol, des charpentes porteuses et des murs en terre type torchis.

Nos ancêtres les gaulois

Maison du maître de l’établissement aristocratique de Saint-Georges-lès-Baillargeaux – Vienne – Mathieu Linlaud-Université Paris X et Patrick Maguer-Inrap

Loin d’être ridicules par rapport à leurs contemporains, nos ancêtres maîtrisaient parfaitement la construction à ossature bois. Leurs habitats étaient, plus que ceux des romains, parfaitement adaptés aux lieux où ils étaient édifiés car réalisés avec les éléments disponibles sur place.

Contrairement à l’idée fort répandue d’un territoire forestier peuplé d’hommes rustres et incultes, la Gaule était plutôt un immense territoire bien exploité et fortement peuplé.

Le gaulois était plus un agriculteur qu’un bâtisseur, ceci expliquant les partis pris des techniques constructives (pdf) : on fait avec ce qu’on a sous la main. Et le plus facile à récolter, transporter, dresser et assembler, c’est le bois, pas la pierre.

Ces constructions à base de bois n’ont pas traversé les siècles tel que l’ont fait les réalisations romaines édifiées en pierre. Il est pourtant probable qu’elles étaient beaucoup plus confortables !

Moyen âge

Le haut moyen âge est caractérisé, au plan civilisationnel, par les invasions barbares qui ont engendré une réduction de l’habitat regroupé sous forme de villes, si ce n’est quelques unes enfermées dans des remparts. Hormis les édifices religieux et les remparts, l’habitat du haut moyen âge (V au Xème siècle) le plus répandu était encore à base de matériaux non durables, bois et terre principalement. Ils ont, eux aussi, eu du mal à arriver jusqu’à nous, sauf sous forme de traces de fondations.

Maison colombage – quai des tanneurs – Selestats (67)

Du XI au XIIIème siècle, l’habitat du moyen âge central va vivre une nouvelle évolution. La ville va, à nouveau, retrouver sa place. La société s’organise, autour du regroupement des forces et des influences, tant religieuses qu’administratives, artisanales ou commerciales, et militaires. Les faubourgs et les bourgs, souvent abrités derrière des remparts, sont édifiés selon des techniques de poteau-poutre à ossature bois et remplissage avec les matériaux locaux, qui de la pierre ici, qui des briques de terre crue ou cuites là, ou encore de la terre.

L’habitat du bas moyen âge (pdf), XIV et XVème siècle, va évoluer dans le sens déjà amorcé au moyen âge central. De nombreux centres villes classés ou inscrits au répertoire des monuments historiques sont arrivés jusqu’à nous et témoignent de la parfaite maîtrise de l’ossature bois, particulièrement à .

Renaissance

Château de Chenonceau (FR-37)

La fin du XVème et le XVIème siècle, cette période qu’on appelle la renaissance, sous l’influence de l’architecture italienne, va voir la France glisser petit à petit vers des constructions avec des murs élevés en “dur” : pierre, briques, crues ou cuites, pisé.

Cette évolution a d’abord touché les bâtiments publics, religieux, militaires ou maisons des classes supérieures, bourgeoises, commerciale et autres.

Les habitats des plus modestes sont encore souvent édifiés selon des techniques à ossature bois, même si les constructions dites en “dur” progressent.

Époque moderne

L’époque moderne est à cheval sur les XVIIème et XVIIIème siècle.

Les constructions en “dur” l’emportent de plus en plus sur les techniques à ossature bois. Cependant, dans de nombreuses régions, la tradition de la construction bois perdure. Nous citerons, entre autres, la Normandie, les Landes, l’Alsace, la plaine de l’Ain certaines zones de montagne, entre autre, la Haute savoie.

Révolution industrielle

La cité de la Villedieu – Le creuzot – FR-71 – 1865

L’évolution de la maîtrise des énergies au XIXème siècle, tout d’abord hydraulique puis, progressivement, la thermodynamique via les machines à vapeur dans un 1er temps, les moteurs à explosion dans un second, ont engendré la création de ce qu’on a d’abord appelé des manufactures puis, plus tard, des usines. Cette évolution a débouché sur des besoins, sans cesse croissants, de charbon, minerais divers et … main d’œuvre, d’où des mouvements de population, peut-être les premières migrations de masse. La France passait, petit à petit, de majoritairement agricole à industrielle.

Les premières cités ouvrières voient le jour, avec des murs assez peu épais, en brique de terre cuite ou en parpaings de béton au ciment Portland®.

La 1ère guerre mondiale

Ces moyens nouveaux ont malheureusement été mis à profit, entre autres, pour développer de l’armement, ce qui a abouti à la mise à disposition de moyens de guerre considérables et redoutablement efficaces, largement utilisés au cours de la 1ère guerre mondiale. Après 4 ans de conflit, la guerre prit fin mais elle allait engendrer des changements majeurs.

L‘industrie métallurgique avait produit en masse de nouveaux équipements militaires et, suite à l’arrêt des besoins, se recycla vers la mise au point et la commercialisation de nouveaux produits.

Elle nous proposa des véhicules terrestres, lesquels ont permis la mécanisation de l’agriculture, l’alimentation des chantiers sur de plus grandes distances ainsi que la mobilité des occupants. Le transport routier a permis la commercialisation de produits de provenance lointaine.

Les équipements maritimes et fluviaux ne furent pas en reste. Le développement des ferraillages des bétons, lesquels avaient permis l’édification de certaines défenses ou fortifications, a permis l’envol des bétons armés.
Les moyens aériens divers ont abouti aux transports aériens de masse.

L’industrie chimique, largement développée pour produire des poudres explosives et des gaz de combat était, elle aussi, en capacité de produire, mais quoi ?

Elle trouva vite sa voie vers les engrais, pesticides et insecticides, ce qui a permis d’atteindre des rendements agricoles jusqu’alors inconnus, malheureusement, pas sans impact sur l’environnement et notre santé.

Un autre secteur connut un essor rapide : la pétrochimie. Elle déboucha, entre autre, vers l’exploitation de ce qui était alors des sous-produits du raffinage. Ce pan de la chimie ouvrit la voie aux plastiques divers, nylons et autres mousses PSE, PSU …

Nous avons toujours été frappés du parallélisme entre l’agriculture et le bâtiment. Le consommateur  a, récemment, plébiscité les produits agricoles bio … A quand les mêmes prises de conscience pour l’habitat ?

Les temps nouveaux

Si les industriels avaient la capacité de produire, ils avaient aussi de nombreuses équipes de recherche et développement disponibles, les personnels masculins moins qualifiés qu’étaient les “sachant construire” traditionnels tels que les tailleurs de pierre, maçons et autres charpentiers, avaient largement servi de chair à canon et, bien évidemment, leur nombre n’était plus suffisant pour l’adaptation aux nouveaux besoins ! En effet, il fallait fournir des habitats pour les ouvriers, toujours plus nombreux, des usines.

Deux inventions vont révolutionner les modes constructifs : le parpaing en béton au ciment Portland® et le bois scié en lieu et place du bois équarri.

Bloc béton

Du fait de sa standardisation, sa production simple et peu coûteuse, sa mise en œuvre relativement simple et rapide, le parpaing est à la base de la construction de l’immense majorité des maisons édifiées depuis des décennies, particulièrement depuis la seconde guerre mondiale.

Le parpaing, comme tous les bétons ou produits dérivés, a de bonnes capacités d’inertie.

Cette technique a permis de faire face à des besoins très importants, elle a rendu de nombreux services, mais elle est n’est pas sans inconvénients, au titre desquels nous citerons de piètres qualités d’isolation, des murs monolithiques qui, sous l’effet de tassements ou autres mouvements de terrain, faute de souplesse, sont sujets aux fissurations, de piètres performances en perspirance, …

La construction moderne : pourquoi avoir choisi le béton et pas le bois ?

C’est bien évidemment une question qu’il nous faut nous poser, nous, nation qui, par le passé, a tellement construit en bois ou à base de bois.

Désaffection vis à vis du bois

La maison des 3 petits cochons !

Anecdote, mais en est-ce une ? Nous avons testé la question suivante auprès d’un public assez large, ceci au fil de nos activités dans la construction et comme un clin d’œil malicieux : “Votre maison personnelle, vous la préférez en “dur” ou “légère”. Nous avons quasiment toujours obtenu la même réponse “en dur !” Est-ce surprenant dans un pays où nos enfances ont été baignées par des contes et des fables, celles des 3 petits cochons entre autres et du mythe du grand méchant loup ? Oui, c’est surprenant, car, au-delà de l’histoire des 3 petits cochons, qui ne connaît la fable de Jean De Lafontaine “Le chêne et le roseau” … ”je plie mais ne rompt pas.

Et si l’histoire avait été écrite autrement…la construction individuelle l’aurai été aussi !

Nous vous proposons une autre version de l’histoire des 3 petits cochons, petite vidéo courte relayée ici : La nouvelle histoire de la maison des 3 petits cochons. A n‘en pas douter, elle éclaire autrement la vision de la construction.

Jean De Lafontaine n’aurait certainement pas dédaigné l’écrire !

Les baraquements et habitations provisoires

A la fin de la 2ème guerre mondiale, l’armée américaine a implanté des bases en Europe.

L’abbé Pierre

Dans l’urgence, elle l’a fait provisoirement avec des bâtiments légers à ossature bois. On les appelait à l’époque des baraquements. Ils n’étaient pas conçus pour durer bien qu’on en voie encore par ci par là, au gré des achats faits, dans les années 1960 auprès des Domaines. Ces baraquements légers, en petits éléments manuportables, ont laissé dans le public une image de médiocre qualité et non durabilité.

Ajoutons à cela les bidonvilles de la fin des années 1950 tristement mais heureusement mis en lumière par l’abbé Pierre, assemblés de bric et de broc, mais surtout avec des carcasses en bois recouvertes de tôles et vous l’avez compris, on est bien proche de la maison du conte original des 3 petits cochons !

Pourquoi le ciment et pas la chaux ou la terre ?

Simplicité de construction

Bétonniere

Avec une même référence de ciment Portland® il est possible de réaliser des fondations à la ceinture au sommet des murs en passant par les murs, les dalles et, pour qui le souhaite, les enduits et les chapes.

Le mélange avec les agrégats est simple et réalisable aussi bien à la main, en bétonnière ou via des centrales à béton et livraison par des camions toupie.
En ce qui concerne la chaux, il faudrait mieux parler des chaux : hydraulique, aérienne, plus ou moins l’une ou l’autre …

Rapidité de construction

Il est possible de marcher sur une dalle en béton ciment dès le lendemain de son coulage, de monter de nouveaux rangs de parpaings un jour après l’autre, sur un même mur, de doubler les couches successives des corps d’enduit avec 24 heures entre chacune alors que pour la chaux, la seule réponse juste est : il faut le temps nécessaire … il dépend, entre autres, du type de chaux et des conditions climatiques.

Le lobbying

Les uns après les autres les chaufourniers ont été rachetés par les fabricants de ciment.

Ces cimentiers ont eu tôt fait d’expliquer combien leur liant est universel, facile d’emploi, la solution à tous les besoins et sur tous les gros œuvres à base de minéral, étanche à l’air, étanche à l’eau … Toutes choses, au demeurant, vraies, à quelques exceptions près que nous allons détailler plus avant !

Après le constat, l’avenir

Nous venons de le voir, l’histoire mouvementée de notre pays, les diverses évolutions des besoins et des contraintes, particulièrement celles liées à la seconde moitié du XXème siècle, aux urgences de l’époque, ont pu nous orienter vers des choix explicables et justifiables à l’époque mais peut-on, doit-on continuer sur la même voie ?

Inconvénients du choix quasi général dans la construction individuelle

Pour les occupants

Le manque de perspirance génère des taux d’humidité relative importants, lesquels ne peuvent être améliorés que grâce à des systèmes de ventilation performants.

Dégradation et moisissure dues à l’humidité

Certes, il est devenu nécessaire, compte tenu des étanchéité à l’air atteintes, et c’est bien, de recourir à des renouvellements d’air mécanique, VMI ou VMC, quelqu’en soit le type, mais aussi performant qu’il puisse être, l’air choisira toujours le chemin le plus direct entre son entrée et sa sortie, ce qui ne permettra pas une bonne évacuation de la vapeur d’eau dans les endroits les plus éloignés que sont, généralement, les angles. Ce défaut d’efficacité de la ventilation, si limitée pour le renouvellement général à elle-seule, entraîne un risque de développement de moisissure. Or ces moisissures émettent des spores très allergisantes. Il y a de forts risques qu’alors les occupants développent de nombreuses maladies des voies aériennes, susceptibles d’aller jusqu’à des allergies.

Sur des bâtis anciens avec des murs en pierre assemblés au mortier de chaux ou à la terre, ainsi que pour des murs en pisé ou à ossature bois à colombage remplis d’éléments de même type, la mise en œuvre d’enduits au ciment Portland® les rendra étanches au flux de vapeur, ce qui leur retirera leur faculté naturelle à limiter le désordre évoqué ci-dessus.

Pour le bâti lui-même

Toujours sur des murs anciens, pierre ou pisé, la mise en œuvre d’enduits au ciment Portlanld® empêchera l’évaporation des remontées capillaires (pdf). On a vu des murs entiers s’affaisser sur eux-mêmes par excès de cette eau non évacuée.

La rigidification que peuvent entraîner des travaux réalisés avec ce type de liant sur des bâtiments dont les murs qui, du fait de leur la nature, sont relativement souples, risque fort de contrer les nécessaires mouvements qui leur avaient été, auparavant, possibles. N’étant pas conçus pour fonctionner ainsi, ils vieillissent mal, très mal, ceci pouvant aller jusqu’à la mise en péril de tels édifices ainsi maltraités.

Pour la planète

La fabrication de ciment implique des extractions minières,  des consommations d’énergie très élevées, la cuisson des briques en nécessite également. Même si les fabricants nous disent avoir amélioré leurs process, les températures nécessaires n’ont pas baissé, les fours ont été mieux isolés et les combustibles utilisés sont de plus en plus souvent des déchets.

Bien que l’utilisation de déchets semble une idée intéressante, elle n’est pas sans inconvénients : que sont-ils ? Ne sont-ils pas, eux-mêmes, d’origine fossile, voir pétro-chimique ? Qu’en est-il des filtrations et retombées alentour (pdf), entre autres les dioxines ? N’y a-t-il pas plus d’émissions de micro particules ? …

Conclusion

Si, pour les raisons historiques développées ci-avant, face aux contraintes, aux urgences et aux besoins du moment, au vu également des connaissances de ces époques, nous avons fait des choix qui ont pu être pertinents, peut-on continuer ainsi ? Absolument pas, et il y a urgence à changer de paradigme.

Vous trouverez sur Build Green de nombreux articles pour vous permettre de sortir de ces automatismes irrationnels et découvrir d’autres solutions et matériaux pour vos projets de construction et rénovation : boisterrepaillechanvrematériaux recyclés, …

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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