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  • Quand un organisme officiel désinforme sur la gestion de la qualité de l’air intérieur

L’ADEME, via Andrée Buchmann, directrice de “l’Observatoire de la qualité de l’air Intérieur”, nous informe de ce qu’il conviendrait de faire pour bien gérer la qualité de l’air intérieur des habitats.

Une vidéo nous est proposée par “Brut”, manifestement sponsorisée par l’ADEME, logo et nom à l’appui.

Super, les autorités s’intéressent à un problème important de salubrité publique, celui de la qualité de l’air des habitats, des pathologies possibles et de ce qu’il conviendrait de faire pour améliorer la situation.

C’est donc avec grand intérêt que nous nous sommes assis devant l’écran et avons lancé la vidéo prometteuse avec pour commentaire de présentation : “Entretenir sa ventilation pour réduire la pollution de l’air intérieur“.

Que nous apprend cette vidéo ?

L’air intérieur est 5 à 7 fois plus pollué que l’air extérieur.

Nous sommes totalement d’accord et l’avons nous-mêmes soulevé au travers de quelques articles originaux ou relayés ici.

Nous confirmons ces faits et sommes heureux que ce rappel mette, une fois de plus, le doigt là où ça fait mal !

Nous passons beaucoup de temps dans des espaces confinés

Oui, même si le chiffre de 80% nous semble un peu élevé.

Risques d’allergies et maladies diverses

Bien sûr, et là aussi nous sommes heureux de découvrir que nos propos, qui ont rappelé ces faits de multiples fois, sont ici confirmés par de telles autorités.

Constat sur cette “mise en bouche”

Une partie des risques et conséquences sont bien relayés, mais quid des oubliés ?

Nous les rappelons ci-après.

La teneur en eau dans l’air intérieur ?

Plus un air est chargé en eau, plus son Humidité Relative (HR) est élevée et plus il est générateur d’un sentiment d’inconfort.

L’incidence sur le chauffage ?

Pour revenir à une HR confortable (aux environs de 55%), le plus simple et… le plus pratiqué : on chauffe cet air au-delà des températures légales.

Là aussi, nous avons souvent souligné cet effet secondaire… pas si secondaire que ça car …

L’incidence du chauffage sur la pollution

Chauffer c’est, très souvent, consommer des énergies fossiles qui relâchent dans l’atmosphère des éléments polluants propres à dérégler le climat (CO2 par exemple)… petites causes, grands effets !

4 conseils pour lutter contre la pollution domestique

On va donc nous dire ce qu’il convient de faire… Nous voilà de plus en plus intéressés.

1) Aérez régulièrement

Nous sommes presque d’accord, sauf que nous aurions écrit non pas “Aérez” mais “Ventilez” et non pas “régulièrement” mais ‘“en continu”. Ce qui, en clair, aurait donné : “Ventilez en permanence”.

En effet, si on en croit notre interlocutrice, “15 minutes par jour seraient une base”. “Il ne faut pas oublier les chambres à coucher, la nôtre et celle des enfants” !

Pour les autres pièces, c’est surtout lorsqu’on y mène des activités …”, avec par exemple le conseil “d’ouvrir la fenêtre de la cuisine lorsqu’on y cuisine …

Egalement “… ouvrir la fenêtre lorsqu’on passe l’aspirateur” … Alors là, nous sommes de plus en plus perplexes ! Quel rapport entre le passage de l’aspirateur et l’émission de polluants dans l’air ? Trop subtil pour nous sans doute !

Tout ça, si possible tôt le matin lorsque la pollution extérieure est au minimum.

Waouh, ça envoie du lourd !

Constat sur ce conseil 1

En effet, depuis bientôt 50 ans, le renouvellement d’air préconisé dans cette vidéo a été codifié, quantifié et… réglementé ! Pas du tout tel qu’il nous est conseillé d’opérer, (tout au moins eut-il fallu dire renouvellement, non pas aération) car personne ne sait renouveler de l’air de façon continue, en quantité contrôlée, selon des circuits précis, en ouvrant des menuiseries 15 minutes le matin !

Tout ce qui concerne le renouvellement d’air, en terme de volume et de mode opératoire au fil de la journée, occupation ou non, est régi par l’arrêté du 24 Mars 1982, modifié en 1983, lequel a pris le relais de la 1ère législation imposant de gérer le renouvellement de l’air qui remonte à l’arrêté du 22/10/69.

Nous ne doutons pas des capacités des équipes de l’observatoire de qualité de l’air intérieur à analyser la pollution de l’air intérieur d’un habitat mais nous doutons beaucoup, en tout cas après visionnage de cette vidéo, de leurs capacités à conseiller les occupants sur la gestion du renouvellement d’air.

Deux explications nous semblent possibles :

  • soit le législateur s’est trompé et il serait grand temps, après bientôt quatre décennies, de rectifier le tir,
  • soit, les auteurs et acteurs de la vidéo objet de cet article ne sont pas informés de la législation, ce qui nous semble une grave lacune, très dommageable !

2) Ne laissez pas l’humidité s’installer

Nous sommes aussi d’accord avec ce principe mais… (hé oui, nous sommes un peu “chatouilleux” sur ce point car il est l’une des causes principales des pathologies, tant pour le bâti que pour ses occupants… et nous y avons consacré de nombreux articles).

Les moisissures sont un gros polluant de l’air intérieur

Nous sommes d’accord, mais pourquoi sont-elles là ? Quelles sont les conditions nécessaires au développement des moisissures ?

L’humidité peut avoir des conséquences négatives

Rhinite, asthme” … tout ceci est vrai.

En France, un logement sur 3 est touché par la présence de moisissures

On s’en débarasse avec du bicarbonate de soude, c’est vraiment très efficace” … Merci pour ce remède de bon conseil, mais est-ce ce que l’on attend d’une autorité de tutelle  ? Non, en tout cas pas nous !

En effet, au-delà de “comment se débarrasser des moisissures et de leurs effets négatifs”, ceci n’empêchera en rien de voir réapparaître d’autres moisissures, au même endroit, dans les mêmes proportions, pour les mêmes raisons…

Constat sur ce conseil 2

Il ne s’agit pas d’explications sur la cause réelle des moisissures ni sur les conditions de leur développement et donc donner des pistes sur “comment en empêcher le développement”, mais sur un mode opératoire pour nettoyer les supports. Ce qui est décrit dans la vidéo n’éradique pas la cause, ne soigne pas la maladie mais, simplement et uniquement, traite les symptômes.

Dommage, il est des moyens de sortir des conditions de développement des moisissures, donc de se mettre hors des possibilité de leur développement.

3) Limitez les sources de pollutions

Ça commençait bien, nous étions d’accord avec les propos jusqu’au “… il faut aérer”. Non une fois encore, il faut renouveler l’air et, à nouveau, ceci est codifié et encadré par la législation.

Nous avons développé ici pourquoi l’aération via l’ouverture des menuiseries n’est pas une solution pertinente et pérenne.

4) Entretenir sa ventilation

Tiens, enfin, après environ les ¾ de la vidéo, une prise de conscience et la découverte de la ventilation !

Le renouvellement d’air peut se faire par l’ouverture des fenêtres … Hélas, rechute ! On repique dans l’ouverture des fenêtres.

Il y a aussi des systèmes mécaniques …” à nouveau nous revenons vers des approches pertinentes, sauf que, d’emblée, la suspicion prend le relais “ … ils sont efficaces quand ils sont bien posés, bien entretenus, bien mis en œuvre …” comme si, ne sachant pas s’ils sont bien mis en œuvre, dimensionnés… au bénéfice du doute, il vaudrait mieux “assurer” en ouvrant les menuiseries !

Il faut nettoyer les bouches, dans les salles de bains, les wc, là où vous les trouvez, enlever le petit filtre et le passer sous l’eau …

Manifestement, ceux qui ont écrit le scénario ont assez rarement vu des systèmes de VMC !

lls sont multiples et divers (VMC Simple Flux (SF), SF de type hygro A, SF de type hygro B, VMC Double Flux, VMI …) et, honnêtement, nous ne voyons pas lequel correspond au discours !

Soit les bouches sont là où on les trouve et, comme il est dit, dans les wc et les salles de bains et rien que là et alors il s’agit de VMC SF, donc avec une bouche simple et sans filtre.
Soit, si c’est une DF et, pour un bon fonctionnement, il ne faudra pas se contenter du passage sous l’eau de pseudos petits filtres, mais bien de changer tous les jeux de filtres et ce, plusieurs fois par an.

Heureusement nous finissons avec le rappel des points qu’il faut particulièrement surveiller !

Que retenons-nous de cette vidéo ?

Nous ne doutons pas que tout ceci part de bonnes intentions, mais à trop vouloir simplifier, vulgariser, on passe à côté de l’essentiel.

Ne vaudrait-il pas mieux faire plusieurs vidéos “Brut”, chacune sur un thème précis et ainsi éviter des approximations inefficaces et susceptibles de pousser les occupants à se comporter, tant au niveau des installations qu’à celui de leur exploitation, de façon inefficace.

Ceci éviterait de mettre la chaîne complète des acteurs, des concepteurs aux réalisateurs, en passant par les installateurs, en situation de non respect total de la législation et des règles de base pour un bon fonctionnement (un artisan qui conseillerait un particulier tel que la vidéo le fait, s’exposerait gravement à des risques de poursuite pour défaut de conseil).

Pour ceux qui souhaitent avancer sérieusement dans cette voie des objectifs de salubrité, nous vous conseillons nos séries d’articles dédiés au renouvellement d’air et aux pathologies liées à la gestion de l’eau dans le bâti.

Vous les trouverez dans l’article récapitulatif de l’année dernière, sous les rubriques “Influences de l’eau sur les bâtis et ses occupants” et “Renouvellement d’air, ventilation”.

La lecture d’autres articles, dédiés eux au confort, sous la rubrique “Confort, l’objectif N°1 des Français” peut également aider à la compréhension des phénomènes.

Nous ne doutons pas de la bonne volonté de ceux qui ont travaillé au développement de cette vidéo, nous doutons qu’elle permette de répondre au cahier des charges.

Mettons, ensemble, le curseur là où nous l’attendons de la part d’organismes de référence : au plus haut niveau possible, ceci pour le bonheur de tous, bâtis, occupants et acteurs réalisateurs.

Pourquoi cet article en catégorie Greenwashing ?

Nous avons classé cet article dans la rubrique “Greenwashing”, ce qui sous tend que la vidéo analysée prêterait des qualités “vertes”, écologiques à ce qui y est présenté, affirmations qui seraient une forme d’infox.

Les conseils donnés ne sont pas des affirmations “vertes” à proprement parlé mais des promesses de salubrité qui, dans les faits, ne seraient pas à la hauteur de ce qui nous est promis.

Il s’agit donc bien de promesses qui ne seraient pas tenues. Qui plus est, les suivre et s’en tenir aux actions conseillées c’est risquer de se mettre hors la loi (hors la législation en tout cas) …

Attendu que la salubrité rejoint souvent les notions de bien-être, que le bien-être est souvent associé à l’écologie, nous avons fait ce rapprochement un peu abusif.

Cependant, malgré ces limites, il nous a semblé logique de publier cet article dans notre rubrique la plus en lien avec des dénonciations de contre-vérités, d’où ce choix éditorial.

Nous prions nos lecteurs de nous pardonner cette approximation.

Crédit Photos : © Pixabay

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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