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  • La production de laine de verre en vrac est-elle aussi vertueuse qu’on nous l’annonce ?

Voilà une nouvelle que beaucoup attendaient ! En effet, selon divers professionnels interrogés à ce sujet, la pénurie de laine de verre en vrac commençait à devenir prégnante. Pour y pallier, il fallait une unité de production nouvelle de cet isolant. Dont acte, Saint Gobain / Isover répond présent !

Donc, tout vient à temps pour qui sait attendre, il suffit de partir à point !

Il faut croire que, ayant bien bien lu la fable du sieur Jean de la Fontaine, Saint Gobain, notre fleuron national, est bien parti à point puisqu’il est arrivé au moment opportun !

Magnifique calendrier d’une stratégie bien menée !

Pour connaître, de l’extérieur, le site de Chemillé, nous pouvons affirmer que lors de l’acquisition du terrain il y a une bonne dizaine d’années, notre industriel national avait eu la précaution d’acheter suffisamment grand. Il avait aussi “eu le nez” de construire sa première unité en ménageant l’implantation de la petite dernière !

En bon stratège, et c’est bien le moins qu’on attende d’un leader national d’un secteur aussi important que la production d’isolant pour le bâtiment, le lieu de construction de l’usine a été choisi de sorte à desservir une zone jusqu’alors loin de ses autres sites de production, Chemillé en Maine et Loire. 

Situé le long d’une autoroute, facilement alimentable en électricité et gaz, raccordable futurement au réseau SNCF, proche de sites de production de sable (la fameuse silice, principal composant de la laine de verre), le lieu est quasi idéal ! Rien à redire à cette stratégie fort bien pensée.

Le type d’isolant produit dès le départ répondait à la problématique d’alors et aux habitudes de travail des artisans et de prescription des concepteurs : de l’isolation en rouleaux et/ou panneaux.

Le développement de la laine de roche en vrac soufflée en combles, l’ouverture, dans l’hexagone, deux ou trois ans auparavant de plusieurs usines de production de ouate de cellulose, isolant en vrac par essence, ont permis à ce type de présentation, le vrac, de développer des techniques adaptées et de prendre quelques parts du marché de l’isolation des combles perdus. 

Les premières aides à l’amélioration énergétique des bâtiments via l’apparition des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) et les diverses incitations fiscales, particulièrement le Crédit d’Impôts Développement Durable (CIDD) et son élargissement aux bailleurs en 2009, ont boosté le marché de la rénovation énergétique.

Evolution normale, dix ans plus tard, une unité de production de laine de verre en vrac a été créée par Isover à Chemillé en complément de la production actuelle de son usine d’Orange dans le Vaucluse, devenue notoirement insuffisante, ce qui limitera ses besoins d’importation depuis ses usines étrangères.

Bien évidemment, Saint Gobain, société rompue à la communication, en a profité pour avancer quelques arguments allant dans le sens de … C’est ce que nous vous proposons d’analyser dans le présent article.

Préalable

Le marché des isolants en vrac soufflés à l’air libre dans les combles perdus a évolué raisonnablement jusqu’à l’apparition récente du RGE (Reconnu Garant de l’Environnement) et de l’isolation à 1 €.

Ces opérations ne sont en fait qu’un leurre lié à un montage financier et une délégation d’encaissement par le réalisateur des aides diverses (précédemment versées directement au bénéficiaire). Nous les avons décortiquées dans ces colonnes.

Pour “maîtriser” un peu plus le marché et le canaliser, le législateur a assujetti l’obtention de ces aides au fait que les travaux soient réalisés par des entreprises “dites RGE”.

On se demande bien de quoi elles sont garantes d’ailleurs puisque cette obligation n’est ni une formation ni un label contrôlable au plan des compétences réelles (les scandales deviennent pléthoriques, allant de l’abus de démarchage à la réalisation de travaux inappropriés en passant par la non qualité des réalisations…).

Ce RGE n’est qu’un signe de reconnaissance. Nous en avons dénoncé ici les travers et avons aussi proposé des solutions, allant jusqu’à préconiser l’intervention obligatoire d’un professionnel indépendant qui analyserait ce qu’il serait souhaitable de réaliser.

Le tableau général du marché posé, venons-en à ce qui a motivé cet article : la communication de Saint Gobain / Isover.

Nous allons reprendre divers points de cette parution et les traiter dans l’ordre chronologique de son auteur.

Répondre au marché du grand ouest

Extrait de l’article, propos attribués au Président de Saint Gobain, Monsieur Pierre-André de Chalandar : “Jusqu’à l’été dernier, pour répondre à la demande, Isover importait 30 000 t/an depuis ses unités en Espagne et en Italie. Or, reconnaît Hervé de Maistre (ndlr : Hervé de Maistre est directeur général des produits du bâtiment pour la France et le Bénélux chez St Gobain), « le coût de la laine à souffler augmente de 25 % dès qu’elle est transportée à plus de 500 km. »

Si nous ne sommes pas particulièrement heureux de la demande importante dans l’hexagone de ce type de produit (vidéo), dès lors que la volonté est de la satisfaire, nous sommes heureux de cette initiative visant à limiter les distances de transport.

Ce qui nous interpelle par contre c’est que, dans le discours, le patron de cette multinationale ne fait mention que du coût financier de transport et de son impact sur le prix. Rien qui mentionne la réduction de l’impact de la moindre émission de CO2, pourtant fait de la plus grande importance en ces temps de prise de conscience de l’emballement du dérèglement climatique lié, entre autres … aux émissions de CO2 !

Ceci dénote une culture non pas orientée vers le souci de l’impact environnemental, des effets possibles sur le dérèglement climatique, mais bien une culture financière orientée vers le maintien du chiffre d’affaires à tout prix (sic) … Ne pas voir ses coûts augmenter et donc ne pas perdre des parts de marché l’emporte sur le devenir de notre biotope, la terre.

Il se trouve que l’implantation de cette nouvelle unité de production va, a priori et face à la demande, dans le bons sens et nous en sommes heureux car elle limitera les impacts liés au transport. Mais que ce fait ne soit même pas souligné, comme si ce critère n’avait aucune importance dans les prises de décision, ne nous semble pas un bon signal de la part du patron d’un leader dans son domaine.

C’est un état d’esprit que nous soupçonnons et que nous regrettons vivement.

Un process adapté à l’application du produit

Extrait :  “Adjuvanté de liants pour le rendre hydrophobe et antistatique.

Deux informations ici : la laine de verre ne serait pas hydrophobe… si non adjuvantée ; de même, si non adjuvantée, elle serait susceptible d’être sensible à l’électricité statique.

La laine de verre ne serait donc pas, naturellement, hydrophobe ?

Ce qui laisserait croire que, faute d’être naturellement dotée de cette caractéristique, elle serait possiblement hydrophile

Rien de grave en soi, mais c’est toujours intéressant de découvrir, enfin, cette vérité, alors que nombre d’applicateurs qui souhaitent privilégier la laine de verre n’ont de cesse de déconseiller les isolants biosourcés car eux “craindraient” l’eau !

Pas d’autres fonctions pour les adjuvants que les traitements contre l’eau et l’électricité statique ?

Faut-il alors craindre que ces laines soient à nouveau soupçonnables d’être cancérigènes ?

En effet, avant 1998, faute d’être adjuvantées avec du bore, les fibres des laines de verre furent classées possiblement cancérigènes. L’adjonction, à partir de cette période, de sel de bore dans le verre a permis de lever ce risque … à moins que ce produit étant intégré dans le verre en fusion n’entre plus dans les adjuvants ?

L’isolant qui sortira de cette nouvelle ligne de production en contiendra-t-il ? Selon le lien ci-dessus, il semble que le doute ne soit pas permis puisque l’exemple qui sert de base à la démonstration est … la laine “Comblissimo”, précisément celle qui sera produite dans cette nouvelle unité !

Si donc notre approche et la lettre ouverte au Président de la Commission Européenne de l’époque de son écriture, Monsieur José Manuel Barroso, sont justes, la production issue de cette usine nouvelle, comme d’ailleurs celle issue de l’usine d’Orange, contiennent bel et bien du bore et personne n’en parle !

Nous sommes demandeurs d’informations à ce sujet

Répondre aux marchés de l’isolation

Extrait de l’article de Batirama nous présentant l’inauguration de l’usine.

Encore une fois, une partie des propos tirés d’un discours de Monsieur Pierre-André de Chalandar : “… l’industrie et l’écologie sont liées : il n’y a pas d’avenir écologique sans l’industrie, et il n’y a pas d’avenir industriel sans l’écologie.

Voilà des mots qui nous plaisent ; reste à voir si nos vues se rejoignent.

En effet, l’écologie (positive) ne peut et ne doit pas être l’apanage des écologistes purs et durs, dont certains vont jusqu’à dire que ce sont des extrémistes, alors que non, ce sont simplement des gens de conviction qui n’acceptent pas les compromis… Et il y a fort à craindre que l’avenir leur donne raison, mais ceci est une autre histoire.

Il y a effectivement tout à gagner à ce que les industriels se dirigent et orientent leurs entreprises vers des productions respectueuses de l’environnement… et c’est là que le bât commence à blesser !

Selon l’auteur de l’article qui nous sert de support, M. de Chalandar aurait expliqué, en substance, que : “On ne luttera pas contre le réchauffement climatique sans l’industrie. L’industrie n’est pas le problème ; c’est la solution”.

Qu’elle puisse aider, certainement et, nous le redisons, nous l’appelons de nos vœux depuis déjà pas mal de temps.

Les auteurs rapportent ceci : “La présentation de l’usine de Chemillé le conduit même à une affirmation audacieuse et provocatrice : « Cette usine fonctionne à l’électricité, qui en France est très largement verte ; le programme nucléaire français est un moyen important de lutter contre le changement climatique.» ”

Voilà le genre de raccourci qui interpelle, y compris semble-t-il le rédacteur de l’article. Que l’électricité d’origine nucléaire soit peu carbonée, cela ne fait aucun doute, de là à la qualifier de verte… Il est clair qu’avec de telles positions, nombres de personnes vont se poser quelques questions. Cependant c’est sa conviction et il a le droit de l’exprimer. 

Chez Build Green, nous ne la partageons pas

Ce choix de l’électricité pour chauffer la matière permet, a priori, de réduire les émissions de N0x, courantes dans les fours à chauffe plus conventionnelle (pdf), ce qui est une bonne chose. Par contre, avec un taux de conversion de 2,58 entre l’énergie primaire et l’énergie finale, même avec le probable futur taux de 2,1, il s’agit là d’un choix qui a dû être cornélien ! 

Nous nous posons d’ailleurs une question d’importance : en cas de risque de black-out, EDF et Enedis nous parlent de délestage préventif, notamment auprès des industriels, pour qu’au final les particuliers soient impactés le moins possible… 

Sera-t-il possible de délester depuis cette unité de production puisque, comme tout four industriel qui produit en continu (pdf), il ne faut pas l’arrêter sauf à courir le risque de gros, très gros dommages à l’installation ?

Plus intéressant à décortiquer, toujours selon M de Chalandar “… puisque pour un 1 kW consommé par l’usine, la laine produite permettrait d’en économiser 300 au cours de la vie du bâtiment isolé”.

Nous n’avons aucune raison de douter de ces chiffres, et en tout cas aucun moyen de les vérifier (il est bon de noter que rien ne nous est fourni qui viendrait étayer le propos…). 

Cependant, c’est un joli raccourci que de comparer 1 kW consommé par l’usine à 300 kW économisés par l’isolant mis en place.

En effet, l’énergie électrique nécessaire à la fabrication de l’isolant, sur le site de sa production, n’est qu’une partie de ce qui sera nécessaire.

Les ingrédients de base ont, eux aussi, besoin d’énergie pour l’extraction (sable) ou la collecte (calcin), pour ne citer que ceux-ci (puisqu’on nous dit que la laine de verre contient des adjuvants).

Dit autrement et plus crûment : ces ressources sont-elles arrivées dans l’usine par téléportation, ont-elles été extraites par des extraterrestres ? 

Toujours sur ce sujet des kW comparés entre le coût à la fabrication (limité à l’usine elle-même) et les économies à l’exploitation, sur quelle durée de vie doit-on se baser pour le bâtiment si le témoin de sa fin de vie est la fin d’efficacité de la laine de verre ?

Selon l’AIMCC (pdf) (l’Association des Industries de Produits de Construction) dont Saint Gobain est membre (le président de cette association, M. Hervé de Maistre est, par ailleurs, un membre éminent du groupe Saint Gobain), la durée de vie statistique d’un bâtiment devrait être de 50 ans pour le tertiaire et l’industriel, et de 100 ans pour ce qui relève de l’habitat, collectif ou individuel.

Comment se fait-il que, l’isolation s’étant généralisée après 1973 (premier choc pétrolier), soit il y a moins de 50 ans, on doive déjà recycler de la laine de verre ?

D’après cette photo, issue d’un article visant à présenter une action de Saint Gobain, “Isover Recycling”, il apparaît que nous sommes en présence d’un bâtiment d’habitation, vu son architecture, vu l’isolation par l’extérieur, manifestement beaucoup moins âgé que 100 ans, même moins que 50 ans d’ailleurs (à noter que la laine de verre n’a été inventée qu’en 1932). Pourtant l’état visuel de la laine de verre en façade ne laisse planer aucun doute sur son état de dégradation !

Nous sommes souvent montés dans des combles perdus de maisons individuelles (vidéo), isolés avec de la laine minérale mise en œuvre quelques 15 ou 20 années précédemment, et nous attestons ici que, sauf à n’avoir pas eu de chance et n’être tombés que sur des cas exceptionnels, la laine de verre n’a pas une durée de vie aussi longue que revendiqué, en tout cas moins, beaucoup moins que 100 ans, moins, beaucoup moins que 50 ans… probablement même qu’elle perd rapidement une partie de ses performances, ceci du fait des conditions réelles d’exploitation (vidéo) qui sont totalement différentes des conditions d’évaluation en laboratoire (nous y reviendrons plus avant dans une digression, § distinct en fin de cet article). 

Puisqu’il semble évident que sa durée de vie (en tout cas sans perte de ses qualités d’isolation originelles) n’est pas très longue, il sera nécessaire de la déposer et la changer

En fin de vie, il faudra en faire quelque chose. Actuellement, dans l’immense majorité des cas, ce type de matériau finit en enfouissement, ce qui représente un coût important, ce qu’on appelle une externalité (vidéo).

Conscients du fait que ce handicap nuit à l’image du produit, les industriels cherchent des solutions pour le valoriser mieux et essayent de le recycler.

Soyons clairs, ce recyclage est évidemment possible, de là à le mettre en place, il y a un pas qu’ils ne sont pas prêts à franchir, en tout cas pas au-delà du verdissage, le fameux greenwashing.

Ils n’y peuvent rien, ce sont les faits qui sont contre eux : difficulté et coût de collecte, coût du conditionnement pour organiser son retour vers une usine de production de laine de verre, coût du transport. Tous ces coûts cumulés augmentent considérablement le prix de l’ingrédient que ce recyclage permettrait d’économiser, le sable. Quelles que soient les bonnes volontés des producteurs de laine de verre, les faits sont contre eux ! Quand on pense que selon les dires de M. de Maistre, un transport sur 500 km du matériau neuf, parfaitement conditionné, augmente déjà son coût de 25%. Or si cet isolant a un tel succès, c’est entre autres à cause de son prix faible. Il apparaît évident que son recyclage ne sera jamais rien de plus qu’un support de communication, de greenwashing. Nous l’avons d’ailleurs déjà décortiqué et dénoncé dans ces colonnes

Un élément pourrait bien, comme on dit, venir mettre le dernier clou sur le cercueil : si un jour le sel de bore est interdit (ce qui pourrait arriver), attendu que, comme développé ci-avant, certaines laines de verre en contiennent et qu’il y est non dissociable du reste, sera-t-il même encore possible d’en envisager le recyclage ? Si oui, pour quel usage ?

Développer les synergies entre activités

Rien à dire au sujet de ce passage si ce n’est qu’il est normal qu’un industriel développe des synergies entre deux branches d’activité de son groupe, lesquelles sont extrêmement complémentaires.

Nous espérons que l’environnement en général, et le bâtiment en particulier, y trouveront un (des) bénéfice(s).

Miser sur l’économie circulaire

Extrait de l’article référent : “Saint-Gobain s’intéresse aussi à l’exploitation des déchets. L’usine de Chemillé incorpore déjà 40 % de verre recyclé dans sa pâte de verre et pourrait passer à 70 % ; celle de Chalon-sur-Saône n’utilise que du calcin à recycler.

Afin de lever toute ambiguïté sur le verre recyclé annoncé ici et eu égard à nos propos précédents sur le recyclage de la laine de verre, ce verre recyclé est ce qu’on appelle du calcin. Il est issu des bris et déposes de vitrages du bâtiment, de vitres automobile et autres verres en feuille mais, en tout cas ici, pas du recyclage de laine de verre en fin de vie.

Cette précision n’enlève rien au fait que cette incorporation de verre en seconde vie est louable et nous la saluons.

Autre extrait : “Par ailleurs, depuis mi-2018, le site d’Orange a mis en place Isover Recycling …” Ceci fait état de ce que nous avons déjà développé et dit ci-avant au sujet du recyclage de la laine de verre.

Propos attribués à M. de Chalandar “Quant au biosourcé, bien qu’il soit considéré comme une niche …

Nous ne partageons pas ses vues et affirmons ici que, si le marché des isolants biosourcés divers (laines de bois, de lin, de chanvre, de coton, de foin, de paille, ouate de cellulose, paille brute, chènevotte de chanvre, liège …) est encore trop faible, il devrait, inévitablement, croître très rapidement dans le futur.

En effet, alors que nous sommes en butte à un dérèglement climatique qui ne fait plus guère de doute pour l’immense majorité, alors que nous savons qu’il est dû principalement aux activités humaines et à leur consommation forcenée de ressources et énergies fossiles, il nous faut impérativement nous tourner vers des matériaux biosourcés, localement produits, recyclables et, autant que faire se peut, piégeant du carbone. Il se pourrait bien que, rapidement, ils ne soient plus une alternative mais une obligation…

Encore faut-il les aborder correctement.

En effet, nous comprenons assez mal la politique menée dans une des usines du groupe dont nous parle M. Hervé de Maistre (extrait) : “ « Nous avons investi il y a quelques années dans une usine d’isolants en fibre de bois », rappelle Hervé de Maistre, l’entreprise Isonat à Mably (Loire)

Isonat produit encore de la laine de bois sur ce site mais le groupe s‘est empressé, après cette acquisition, de mettre au point un produit mixant celle-ci et la laine de verre, isoduo36.

Petite digression

Il n’est pas question, pour nous, de développer au-delà du raisonnable ce que nous pensons de l’Isoduo36. Cependant nous ne résistons pas à faire part de notre questionnement :

  • comment se peut-il qu’un matériau contenant 40 % de minéral puisse être classé dans les biosourcés, ce matériau est, de fait, non recyclable car composé de deux matériaux différents impossibles à séparer

(Rappelons que le mélange de laine de bois et laine de verre, au-delà de l’impossibilité de recyclage, présente aussi les inconvénients d’énergie grise de transport entre une usine de laine de verre et une usine de laine de bois : il n’y a pas de petite économie de CO2 émis !)

  • comment se peut-il que, dès lors, il soit autorisé à revendiquer le meilleur lambda des matériaux biosourcés ?
  • Nous avons aussi bien noté les conditions des tests réalisés en interne par Isover pour analyser les capacités de ses isolants à vieillir (pdf – page 4) :
    • des conditions de températures avec des deltas très importants, 
    • des conditions d’humidité relatives (HR) très variables

Faute d’indications contraires (qui auraient bien évidemment été précisées) nous supposons que les tests de vieillissement sont réalisés en milieu confiné.

Au sujet des tests

Nous ne résistons pas à dire ce que nous en pensons et ce que, probablement, ils démontrent.

Nous n’avons pas été témoins de tels tests, cependant, un peu avertis de la physique du bâtiment, nous pouvons prédire ce qui peut en ressortir :

  • en présence de matériaux à forte capacité hygroscopique (capacité pour un matériau à se charger en eau, principalement attachée aux matériaux d’origine végétale) : fortes montées en humidité absolue des composants, donc augmentation de poids, donc probable tassement (à noter que tant que l’eau vient seulement imprégner le cœur des fibres et qu’elle ne se substitue pas à l’air enfermé entre les fibres, le lambda de l’isolant en est très peu affecté),
  • en présence de matériaux hydrophobes et sans capacité à se charger en eau (ce qui est le cas des laines minérales) : aucune augmentation de poids desdits matériaux et donc moindre, voire pas de tassement !

Quand on est fabricant d’isolants minéraux hydrophobes : CQFD, démonstration parfaite, surtout face à des isolants d’origine végétale…

Sauf que ces conditions n’ont pas grand chose de commun avec ce qui peut dégrader un isolant et qui se rencontre par contre très souvent (contrairement à une montée en température à 95° !).

Les tests que nous aimerions voir

La première des conditions sérieuses de test serait de les réaliser non pas en milieu confiné mais entre deux espaces à températures différentes, avec des cycles de variation desdites températures et avec, aussi, des taux d’humidité relative variable. 

Pour être bien certains de la reproduction la plus fidèle possible de la réalité de l’exploitation d’un habitat, comme on le dit “en bon père de famille”, nous ajouterions une perméance progressive avec un matériau intérieur doté d’un Sd 5 fois supérieur à celui du matériau extérieur.

Nous serions curieux de voir de tels test avec une température du côté sensé représenter l’intérieur à 19° et une HR de 60 %, et une température du côté sensé représenter l’extérieur à – 5° et une HR de l’ordre de 60 %, le tout avec des sondes mesurant l’HR dans l’épaisseur de l’isolant et en pesant l’isolant en cours de test… 

Ces conditions n’ont rien d’exceptionnel mais mettraient probablement en évidence des résultats qui, pour le coup, feraient probablement pencher la balance au profit des matériaux biosourcés (vidéo) ou d’autres solutions tels que les Isolants Réflecteurs Alvéolaires (en ce qui concerne les performances isolantes, nonobstant d’autres aspects) !

Ne serait-ce pas un peu ce qui s’est produit dans le passé selon ce que l’on sait suite à un arrêt de la cour de cassation en date du 20 novembre 2019 : toute la différence entre des tests en laboratoire et des contrôles in situ ?

Conclusion

Nous concluerons sommairement.

L’isolant produit dans cette nouvelle unité est tout à fait conforme à ce qu’est la laine de verre : un produit isolant globalement moyen et en faire un étalon est une erreur.

Il améliore certes les conditions d’exploitation d’une maison lorsqu’il y est mis en œuvre, et c’est bien normal.

Delà à nous le présenter comme participant à la lutte contre le dérèglement climatique en réduisant les émissions de CO2, il y a un pas qui a été franchi abusivement.

Par ailleurs, pour rappel, le monde est d’ores et déjà confronté à une pénurie de sable qui semble être aussi porteuse de pas mal de difficultés qui vont se cumuler aux actions du dérèglement climatique

Si nous y ajoutons qu’il est doté d’un déphasage (vidéo) très moyen, voire médiocre, que penser de ses capacités à lutter contre la chaleur ?  S’il permet d’économiser quelques kW l’hiver, le permet-il aussi l’été en limitant le recours à la climatisation ? Là encore, probablement peu, voire pas.

Pour nous cet article relève de greenwashing et nous le regrettons car, vu l’état de notre planète, nous aspirons vraiment à ce qu’un leader de l’acabit de Saint gobain fasse plus que répondre à des demandes du marché…, qu’il l’oriente vers des solutions pertinentes !

Crédits Photos : Saint Gobain, Build Green, pxhere, javierAlamo, sarangib, jarmoluk de Pixabay

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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