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  • Le polyuréthane, nec plus ultra … ou à déconseiller ?

Le polyuréthane est un isolant hors du commun et, à ce titre, il est remarquable et … remarqué, il est donc, de ce fait, beaucoup observé.

Cette mousse isolante, exactement un Polymère d’Uréthane dont la compression et la combinaison des deux mots adonné naissance à l’appellation polyuréthane, connue aussi sous les appellations raccourcies de PU ou de PUR, est dotée de lambdas de très haut niveau. 

Nous n’allons pas nous intéresser ici à ses capacités isolantes ; il est très bon dans ce domaine et il ne nous viendrait pas à l’idée de le contester.

Ce qui nous intéresse dans cet article c’est le reste, tout le reste, de sa composition à ses ses origines, en passant par ses qualités, ses limites, sa recyclabilité…

L’objectif est de, après analyse, nous faire une idée de son classement selon nos critères : est-il réellement aussi parfait que certains de ses aficionados le disent ou, simplement, soutenu par des affirmations qui relèvent du greenwashing ?

Nous abordons ce sujet en relayant les dires d’acteurs du secteur

Deux fabricants

Nous allons nous appuyer sur deux entreprises pour développer cet article, l’une est française, Soprema, et produit, entre autres, du polyuréthane depuis de nombreuses années. Elle vient d’annoncer l’ouverture d’une usine de production de polyol (principale matière première permettant de produire cet isolant). L’autre est une entreprise espagnole, Synthesia Technology, laquelle communique beaucoup sur les qualités de ses produits.

Nous allons aussi nous appuyer sur les dires du syndicat français des fabricants.

Le syndicat des producteurs de polyuréthane

Le Syndicat des Producteur de Polyuréthane, le SNPU, a été créé il y a plusieurs années grâce à l’adhésion de divers fabricants.

Le site de ce syndicat propose divers renseignements que nous considérons dignes de confiance car collectivement agréés par un panel de grands fabricants.

A noter que le président de ce syndicat, M Hervé Fellmann, est aussi Directeur général au sein du groupe Soprema.

Il annonce clairement les objectifs de ce syndicat dans sa présentation :

Extrait : “Il a pour mission de soutenir le marché dynamique de l’isolation thermique et plus particulièrement celui du panneau d’isolation rigide en polyuréthane. Il met en avant les atouts et les bénéfices du polyuréthane rigide comme isolant thermique dans les bâtiments.

Qu’est-ce que le polyuréthane ?

Le polyuréthane est un polymère d’uréthane (molécule organique) qui, selon sa présentation, peut servir à de nombreux usages, allant de mousses isolantes souples à des panneaux rigides, selon la densité qu’on leur donne. 

On en fait aussi de la colle, des films techniques de revêtement (pour les ailes d’avion entre autres) ou du tissu (le Lycra® par exemple). Il est très prisé pour la fabrication de peintures et vernis.

Il n’y a donc pas un mais des polyuréthanes ! 

Ils sont largement utilisés dans des industries aussi diverses que la fabrication d’isolant thermique, d’isolant acoustique, de colles, de peintures et vernis de panneaux ou habillages pour l’automobile, de panneaux de mousse à forme et densité spécifiques toujours pour l’automobile mais aussi pour les coussins d’ameublement, de sièges, dans l’habillement… Bref, on les rencontre à peu près partout.

Nous allons, dans cet article, nous limiter à ses versions “mousse rigide” utilisée en tant qu’isolant thermique et phonique dans le bâtiment.

Son histoire

Il a été découvert par Otto Bayer en 1937. Cet ingénieur allemand a fait ses recherches au sein de la multinationale allemande du même nom. 

Il semblerait qu’à partir des années 1950, il ait été développé à grande échelle aux Etats-Unis d’Amérique avant de connaître, petit à petit, l’expansion qu’on lui connaît aujourd’hui.

L’Europe, à elle seule, engloutit 2,3 millions de tonnes de matière première pour le produire.

Une crise mondiale d’une des ressources nécessaires à sa production en a ralenti la progression en 2017 mais il semble que ce soit un mauvais souvenir pour ses producteurs et que la disponibilité de méthyl-di-isocyanate (MDI) soit redevenue en adéquation des besoins.

Ses composants

Il faut au moins trois composants pour fabriquer du polyuréthane, auxquels sont ajoutés des adjuvants divers selon les caractéristiques finales souhaitées.

Polyisocyanate liquide

Ce composant est celui qui a fait défaut en 2017. Il s’agit de diphénylméthane diisocyanate (MDI). Il a posé des problèmes par le passé : “la tragédie de Bhopal”.

Pour éviter ce risque, il n’est plus stocké sous sa forme pure mais mélangé à du polyol pour former un prépolymère.

Polyol liquide

Les polyols sont divers, parmi eux, citons : l’éthylène glycol, le diéthylène glycol, le triéthylène glycol, le propylène glycol … Ce sont tous des Ether glycol (pdf). 

Catalyseur

Extrait du site Société Chimique de France  :

La réaction de polymérisation est catalysée par des amines tertiaires (diméthyl cyclohexylamine, diaza-1,4-bicyclo[2.2.2]octane ou DABCO) et des composés organométalliques, tels que le dilaurate de dibutylétain ou l’octanoate de bismuth. Les carboxylates de mercure étaient d’excellents catalyseurs pour la formation de fibres : depuis les années 90, ils sont remplacés par les carboxylates de bismuth et de zinc qui ont tout de même quelques désavantages.“ (NDR : il ne nous est pas dit ce que sont ces désavantages, cependant il semble que les sels et les vapeurs en soient toxiques…)

Ce qu’il peut apporter et … ce qu’il ne peut pas

Ses qualités

Elles sont très bien développées sur le site du SNPU. Nous les rappelons succinctement ci-après.

Le polyuréthane est un super isolant sur le plan de la conductivité thermique, probablement un des meilleurs lambda des matériaux actuellement disponibles sur le marché.

Il va, selon les qualités, de 0,028 à 0,022 (plus il est faible, plus la performance est grande).

Pour un niveau d’isolation requis, cette qualité permet de diminuer l’épaisseur par rapport à d’autres isolants dotés d’un moins bon lambda.

Il est très léger et facile à travailler.

Sa durée de vie est très longue sans qu’il perde ses capacités isolantes.

Sa nature d’organisation moléculaire et les liaisons qui lient ses particules les unes au autres sont telles que ce matériau est très rigide et dispose d’une très bonne résistance à la compression.

Sa perspirance est très limitée et peut, dans certains cas, présenter un avantage.

Ses limites

Doté d’une chaleur spécifique peu élevée et de peu de masse, même avec un lambda exceptionnel, son déphasage demeure très moyen (ceci est accentué par le fait que grâce à son bon lambda, il est mis en œuvre en faible épaisseur). Tout ceci en fait un matériau protégeant assez médiocrement de la chaleur pénétrante l’été.

Bien que disposant d’une diffusivité très correcte, pour les mêmes raisons que ses capacités en déphasage (à savoir sa chaleur spécifique, son lambda et sa densité), du fait qu’il n’est pas en contact direct avec l’air ambiant, il n’apporte que peu de confort au plan de la montée en température d’un éventuel parement intérieur qui serait directement collé contre l’isolant. Cette fois c’est le confort d’hiver qui en pâtit.

Le confort est en partie lié à la teneur en eau de l’air ambiant, une partie de ce que l’air pourrait contenir en excès devrait pouvoir être évacuée par perspirance or, cet isolant est doté d’un Sd assez élevé (Sd = Spraying diffusion), ce qui le rend presque imperméable à ce type de migration. Cette fois, c’est tout autant l’été que l’hiver qu’il est peu efficace à ce titre.

Comportement au feu et à la chaleur

Synthesia Technology nous annonce que ce matériau ne présente aucun risque face à un incendie, voire qu’il améliorerait la situation.

Extrait de leur page dédiée à ce thème : “Différemment à ce qu’indique la classification des Euroclasses, la fibre minérale n’a pas empêché la propagation du feu, tandis que le système en polyuréthane a pu rester en dessous de la limite requise en empêchant sa propagation et en contribuant à son extinction.”.

Comment se fait-il qu’un matériau naturellement combustible ne brûle pas ?

S’il ne brûle pas, est-il pour autant protecteur ?

En cas d’incendie

Pour qu’un matériau combustible ne brûle pas, il faut l’ignifuger avec un adjuvant.

Présenter le polyuréthane en tant que matériau non combustible et carrément susceptible d’empêcher la propagation du feu tel que le fait Synthesia Technology est donc abusif

Il aurait été plus honnête de nous dire : “les produits Synthesia à base de polyuréthane ne brûlent pas car ils sont ignifugés et, de ce fait, sont conformes aux normes européennes”.

A la suite de quoi, consommateurs avertis, nous nous serions posé la question de ce qu’impliquent les ignifugeants.

Dans le passé, certains ont été utilisés et ne sont plus autorisés depuis de nombreuses années. Il s’agit de dérivés du brome. Bien qu’interdits à ce jour ils sont encore présents dans de nombreux produits mis en œuvre jusque vers 2009 (ils en interdisent le recyclage).

Quel(s) ignifugeant(s) est(sont) désormais utilisé(s) ? Nous ne le savons pas, les fabricants sont toujours discrets sur ces points. La consultation des fiches FDES (quand elles existent et quand il est possible de les trouver !), constituées principalement de listes longues comme des jours sans pain, ne permet pas au commun des mortels d’analyser le produit qu’il envisage d’acheter et d’installer chez lui, ce qui est pour le moins dommage !

Pourtant Synthesia aurait eu largement la place pour nous indiquer par quel moyen leurs produits sont rendus ininflammables : 

https://blog.synthesia.com/fr/reaction-feu-toitures-isolation-polyurethane

https://blog.synthesia.com/fr/la-reaction-du-polyurethane-face-au-feu-faux-mythes

Extrait tiré de la page du blog selon le dernier lien ci-avant :

Le polyuréthane est un matériau d’origine biologique et donc carburant. S’il est directement touché par un incendie, les fumées produites lors de la combustion sont similaires à d’autres produits biologiques utilisés tous les jours, comme le bois, le liège ou le coton.

Prenons un peu de temps sur ce passage car cette affirmation est très intéressante (les fumées issues par la combustion de polyuréthane sont identiques à celles issues de la combustion d’autres produits biologiques : le bois, le liège, le coton.) 

C’est curieux mais l’INRS (Institut National de Recherche et sécurité) ne nous dit pas les mêmes choses (document final : pdf). C’est d’ailleurs absolument normal puisqu’en plus de matières organiques, le polyuréthane contient aussi d’autres produits tel que le diphénylméthane diisocyanate déjà cité ci-avant et ayant été cause de la tragédie de Bhopal.

Que certaines émanations soient identiques à celles de la combustion de matériaux naturels est probablement vrai, cependant l’INRS nous indique les émanations suivantes : 

Jusqu’à 250° :

  • isocyanates (monomères, prépolymères)
  • amines,
  • cétones,
  • aldéhydes,
  • hydrocarbures légers

Si combustion ou pyrolyse (rappelons que la pyrolyse commence lors d’une exposition à la même chaleur qu’au cœur d’un incendie) :

  • monoxyde de carbone,
  • dioxyde de carbone,
  • oxydes d’azote,
  • ammoniac,
  • nitrites,
  • diisocyanates,
  • chlorure d’hydrogène, bromure d’hydrogène ou produits phosphorés , si présence de produits ignifugés halogénés ou phosphorés

Alors on nous rassure ; autre extrait :

En outre, pour éviter que, en cas d’incendie, le feu abîme les structures du bâtiment, les systèmes en polyuréthane sont protégés par d’autres matériaux plus résistants au feu, comme le béton, la brique, le plâtre, le mortier, etc. Si le feu atteint des proportions telles que cette protection cède, les systèmes en polyuréthane, car il s’agit d’un matériau d’origine organique, brûlent, mais avec une particularité: le polyuréthane ni fond ni goutte, comparé à d’autres matières plastiques (par exemple, le polystyrène), mais la surface qui entre en contact avec la flamme est carbonisée et protège le noyau, en maintenant ainsi un degré de stabilité de la structure au cours du temps.

C’est moins dangereux que le polystyrène ! Dont acte, mais cela en fait-il un matériau non dangereux ? A noter que la gangue de carbone décrite correspond tout à fait à une transformation par pyrolyse , ce qui, vu le descriptif de l’INRS, ne nous rassure pas !

Quant à protéger le noyau de la construction, vu les températures atteintes au cœur d’un incendie, la durée générale de cette exposition à la chaleur, la température atteinte au cœur du complexe isolant même … nul doute que c’est plus une affirmation qu’une certitude !

En cas d’exposition à la chaleur

Il ressort de l’analyse des extraits de la publication de l’INRS que, non seulement un traitement ignifuge n’empêche nullement les émissions de vapeurs toxiques en cas d’exposition à la chaleur, mais en ajoute quelques unes, au moins aussi dangereuses …

De plus, en l’absence de fumée, les occupants se protègent moins car rien ne les avertit de la présence de gaz toxiques !

Comportement face à l’eau

Une des causes majeures de pathologies du bâtiment est la présence d’eau dans le bâti. 

Cette eau peut provenir de remontées capillaires dans le cas de bâtis anciens non pourvus de rupteur de remontées capillaires, ou du transfert de vapeur d’eau par perspirance dans l’épaisseur des parois extérieures.

Le polyuréthane ne se dégrade pas au contact de l’eau liquide ou sous forme de vapeur.

Eau liquide

Le polyuréthane est étanche aux flux d’eau liquide, ce qui peut être un avantage ou un inconvénient.

Avantage de l’étanchéité à l’eau

Grâce à cette qualité, le polyuréthane peut être mis en œuvre en milieu humide, sans risque pour lui-même. Par exemple pour l’isolation de caves, pieds de murs… mais seulement dans les constructions récentes à base de béton au ciment Portland, du fait des capacités d’étanchéité à l’eau liquide de ces bétons.

Inconvénient de l’étanchéité à l’eau 

Dans le cadre de bâti ancien exposé aux remontées capillaires ou en présence importante d’apport d’eau, par exemple par ruissellement extérieur, une application de polyuréthane en panneau risque de piéger cette eau entre l’isolant lui-même et la paroi.? Ceci est néfaste à la vie de l’ouvrage et à sa pérennité.

Vapeur d’eau

Le polyuréthane n’est pas complètement fermé aux flux de vapeur mais, le moins qu’on puisse dire, est qu’il est loin d’y être favorable. Selon le livre “Isolation écologique” de JP Oliva et S. Courget aux Editions Terre vivante et selon sa nature, sa valeur Sd va de 30 à 200 mètres.

De ce fait, il est particulièrement inadapté à la mise en œuvre contre des parois anciennes exposées à des remontées capillaires.

Il est aussi important de noter que sa mise en œuvre contre l’extérieur de murs extérieurs entraîne, de facto, la nécessité d’une quasi étanchéité à la migration de la vapeur d’eau depuis la face intérieure de cette même paroi. Ceci afin de respecter une progressivité de perméance à la vapeur d’eau en ne laissant entrer dans une paroi que 1/5ème de ce qu’elle pourra laisser sortir à l’extérieur.

Comportement face aux UV

Le polyuréthane est particulièrement sensible à la dégradation lors d’une exposition aux UV, ce que nous souligne parfaitement Synthesia dans un de ses documents.

Extrait de cette page : 

Cette mousse de polyuréthane projetée est altérée seulement par une large exposition à la radiation ultraviolette, par l’incidence directe de la lumière solaire.

Dans ce cas, la superficie de la mousse acquiert un aspect poussiéreux et il se produit une diminution d’épaisseur à raison de 1 mm par an, en fonction des effets de la pluie et du vent. Pour cause de la couche de haute densité du polyuréthane, le premier an la diminution d’épaisseur est de moindre quantité dû à la présence de la pellicule extérieur de la mousse”.

… Quid des impacts sanitaires et environnementales de cette poussière ?

Comportement au plan sanitaire

Le polyuréthane est dangereux au plan de ses émanations particulièrement lors de sa fabrication et pendant les quelques premiers jours de son existence.

C’est pourquoi sa “version projection in situ” est à réserver à des applicateurs formés, équipés et aguerris à son travail.

En dehors de son emploi “en vrac” tel que décrit ci-avant et hors toute exposition à la chaleur ce produit n’est pas, directement, plus à risques que bien d’autres.

Par contre, du fait de son manque de perspirance, il peut favoriser le développement de moisissures qui, elles, présentent de forts risques d’allergies.

Comportement en tant qu’isolant phonique

Affirmer que le polyuréthane est un bon correcteur iso-acoustique relève d’un exercice pour le moins très osé (pdf), disons le tout de go : c’est faux !

C’est en effet un des isolants les moins correcteurs en terme d’acoustique.

Extrait du site dont le lien est donné ci-avant, une publication de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) : 

“Concilier isolation thermique et acoustique

Les isolants thermiques rigides (polystyrène expansé, polystyrène extrudé, polyurèthane rigide…) sont inefficaces, sinon nuisibles sur le plan acoustique, car ils augmentent les transmissions latérales. En revanche, le polystyrène expansé élastifié est un isolant à la fois thermique et acoustique.

Tout est dit dans cet extrait !

Ecologie, recyclage, dérèglement climatique

Que ne nous dit-on pas sur le site du SNPU concernant le recyclage du polyuréthane ! (tous les extraits ci-après sont issus de cette page).

Petit florilège

Résumés des passages de la page dédiée :

1. La prévention

Extrait : “Motivés par des prix élevés de matières premières, les fabricants d’isolation polyuréthane travaillent activement sur des mesures pour réduire les niveaux de pertes à la production.

Aborder les déchets de la construction lors de l’installation est plus complexe.”

Belle langue de bois ! On fait notre maximum ! On l’espère bien, sauf qu’on imagine que le maximum est peu élevé, pas par manque de volonté, mais par impossibilité probable de, simplement, faire (limites économiques, logistiques, techniques …) !

Autre extrait : “Une tendance vers des éléments préfabriqués en usine de composite est une autre façon de réduire les déchets polyuréthane de construction et d’installation.

Certes les chutes sont plus faciles à maîtriser car produites en usine, donc en un lieu où la collecte est facile et le tri inutile… mais ceci implique plus de logistique de transport… Le bénéfice environnemental est-il bien réel ?

2. Le réemploi

Extrait : “L’isolation polyuréthane est un produit extrêmement durable …

… ce qui veut dire que les panneaux peuvent être facilement récupérés et séparés des autres matériaux de construction. “ 

Et là, on nous propose de réutiliser d’éventuels panneaux déposés pour les mettre en œuvre à l’identique ailleurs. Belle idée, mais dans la maison individuelle il y a peu de chance que les panneaux retrouvent une place identique, aux mêmes formes et dimensions … Il y a fort à parier que ceci engendrera de grandes quantités de chutes nouvelles, sans parler de la logistique et de la dégradation éventuelle liée aux modes de fixation lors du premier emploi !

Le SNPU nous annonce lui-même le peu de performance du réemploi. Autre extrait : “On estime qu’entre 5 à 10 % de déchets polyuréthane sont réutilisés tant en récupération de déchet de construction que de démolition.” Là encore, tout est dit !

3. Les options de recyclage pour le polyuréthane

Extrait : “Les déchets polyuréthane de production ou de la construction peuvent être broyés et retransformés en panneaux et profilés de haute densité pour remplacer des panneaux de particules bois dans la construction. La matière recyclée ainsi est imputrescible …

Comme tant d’autres matières plastiques, on en fait un matériau lui-même dégradé dans sa nature et sa destination, ultime emploi avant les phases 5 ou 6 à suivre…

4. Recyclage chimique

Extrait : “L’appellation recyclage chimique s’applique lorsque la conversion chimique des polyuréthanes permet de produire à nouveau des polyols de seconde vie. Trois technologies ont été développées : l’hydrolyse, l’aminolyse et la glycolyse.

Aujourd’hui, un petit nombre d’usines de glycolyse fonctionnent en Europe. Elles traitent les déchets polyuréthane non contaminés, qui sont principalement des déchets de production. Selon les connaissances actuelles, jusque 30 % de polyols utilisés dans une mousse rigide peuvent provenir de la glycolyse sans en affecter la qualité du produit. Aucune ACV n’est disponible afin de quantifier les avantages et les pénalités de ces technologies.

Les principales difficultés pour une plus large utilisation du recyclage chimique comprennent l’élimination des parements, la logistique et le coût du processus de recyclage et des matières premières nécessaires ainsi que la qualité des polyols obtenus. Toutefois, des publications récentes font état que de nouvelles unités de recyclage chimique sont programmées dans un avenir proche.
Soprema vient d’en ouvrir un, qui recycle des bouteilles plastiques, pas du polyuréthane…

Beau projet, sauf que, selon le SNPU lui-même, on ne peut dépasser 30 % de polyol issu de ce recyclage chimique du polyuréthane et aucune Analyse de Cycle de Vie (ACV) n’est disponible pour ces matériaux…

Combien d’énergie grise consommée pour cette “transformation” ?

Si seulement 30 % de ce matériau sont utilisables pour produire à nouveau du polyuréthane isolant, nous sommes donc condamnés, avec ce réemploi, à un développement exponentiel de ce produit … pourtant si difficile à recycler ! 

Certains appelleraient ça “une fuite en avant”. Jusqu’où ?

5. Valorisation Energétique

Extrait : “Si les déchets d’isolation polyuréthane ne peuvent pas être réutilisés, recyclés ou transformés en d’autres produits, l’option idéale reste la valorisation énergétique. Le polyuréthane contient une quantité importante d’énergie, ce qui en fait une matière première très efficace pour les incinérateurs municipaux qui produisent de l’électricité et, de plus en plus, de la chaleur pour une utilisation dans les bâtiments et procédés industriels.”

Nous y voilà !

Au cas où on ne pourrait pas faire mieux (le SNPU nous a lui-même expliqué que le plus souvent, comme décrit ci-avant, on ne le peut pas), on valorise en tant que combustible… fossile (n’oublions pas son origine !).

Ce faisant, comme lors de la combustion de toute énergie fossile, on relâche dans l’atmosphère du carbone piégé il y a entre 300 et 350 millions d’années, au Carbonifère. Belle contribution au dérèglement climatique !

On valorise ! Le mot magique ! Non, ce n’est pas magique, c’est se donner bonne conscience d’avoir produit un déchet qu’on ne sait pas réutiliser de façon vertueuse ! Alors on fait le moins mal possible, mais de là à nous faire croire que ce serait bien, c’est une couleuvre un peu dure à avaler !

6. Mise en décharge

Dernier extrait : “Les déchets polyuréthane sont classés comme des déchets non dangereux. Cependant, les déchets d’isolation polyuréthane «fin de vie» sont trop précieux pour être perdus et enfouis sous terre. La profession polyuréthane encourage les gouvernements nationaux à faciliter le tri des déchets de démolition en séparant les matières minérales des matières organiques afin de fournir une ressource suffisante en déchets riches en énergie pour traiter les déchets organiques non recyclables. Il s’agit d’une condition préalable pour détourner les polyuréthanes et les autres déchets organiques des sites d’enfouissement.

Par ailleurs, l’industrie est consciente de sa responsabilité, des essais sont en cours au niveau européen pour mettre en place des systèmes de collecte pour les déchets polyuréthane de construction afin de les détourner des sites d’enfouissement et de les orienter vers les autres options de fin de vie.

Ouf, nous voilà rassurés, les industriels, non contents de nous proposer un produit dont ils ne savent que faire en fin de vie encouragent des gouvernements nationaux à faciliter le tri… et patati, et patata… Mais au fait, qui va payer ce tri ? *

Ceux qui auront empoché les bénéfices au début du cycle ? Tiens, ils ont oublié cette proposition !

Mesdames et Messieurs les industriels du secteur, puisque vous nous dites être conscients de vos responsabilités assumez-les jusqu’au bout, y compris financièrement !

* Pour rappel : les versions “projeté” sont impossibles à dissocier de leurs supports ; c’est même un argument revendiqué

* En cas de présence préalable d’un film de polyéthylène sur les supports à isoler, Synthesia nous conseille de le détruire par la flamme … sans jamais mettre en garde et expliquer qu’il faut se protéger des émanations (pdf) de ce dernier. Beau souci des applicateurs !

Points peu abordés ici (ou pas du tout) mais importants

Le transport

Hormis pour les versions “mousse projetée in situ”, le transport de ces matériaux est assez important car, contrairement à certains autres isolants, il s’effectue à raison de 1 volume mis en œuvre = 1 volume transporté (même souvent un peu plus car il y a nécessité d’ajustage et de découpe, donc génération de chutes).

Par ailleurs, très souvent, les fiches FDES font état, pour le recyclage, d’un transport de quelques dizaines de km entre le lieu de démontage ou de collecte des déchets et le lieu de dépose, à savoir ce qu’on appelle souvent “la déchetterie”. Ceci présuppose que la déchetterie sera le lieu de conservation ou, comme on aimerait nous le faire croire, de recyclage.

Or ce n’est absolument pas le cas, très loin s’en faut ! Il faudrait beaucoup plus probablement raisonner en centaines de km, et non pas de 1 volume transporté pour 1 volume déposé, plus probablement de l’ordre de 2 volumes transportés (compris les vides entre les éléments collectés) pour un volume à détruire, enfouir ou recycler.

Origine

Pour des raisons de simplicité, de disponibilité et de coût moindre, les polyuréthanes sont fabriqués à partir de ressources fossiles. Le pétrole dont on le tire est, comme le gaz naturel ou le charbon, un concentré de carbone fixé au carbonifère, il y a entre -300 et -360 millions d’années (approximativement). 

Le climat actuel s’est mis en place, entre autres, en fonction de l’évolution des équilibres gazeux de l’atmosphère. Y relâcher en quelques siècles du GES (CO2) stocké en 60 millions d’années constitue forcément un déséquilibre sur une durée infiniment trop courte. Cette durée courte ne permet pas aux espèces végétales et animales de s’adapter (y compris Homo-sapiens) aux nouvelles conditions, au risque d’en provoquer la disparition

Fabrication

Lors de la fabrication du polyuréthane, des “agents de gonflement” sont utilisés. Il fut une époque où les CFC, interdits depuis plusieurs années, ont été utilisés, ils ont été remplacés par les HFC. Tous deux sont des GES, le 2ème moins impactant que le 1er mais GES tout de même.

On tend à les remplacer par des HFO, dont on nous dit qu’ils sont beaucoup moins impactants car à peine plus que le CO2 (l’étalon dans ce domaine d’évaluation) … Fort bien, le CO2 ne serait donc pas un GES ? Une nouvelle intéressante … malheureusement bien évidemment fausse ! 

Une fois de plus on nous fait croire que moins mal = bien … Non ! Moins mal, c’est moins mal mais ça demeure mal !

Conclusion

Est-il nécessaire de rappeler que, selon divers experts, nous devrions laisser dans le sous-sol 80 % des réserves d’énergie fossile connues et que le polyuréthane est… un dérivé du pétrole ?

Sa durée de vie, longue, et sa dégradation par les UV en font un parfait contributeur à la pollution mondiale par les plastiques.

Nous pourrions en dire encore, et encore, mais face au dérèglement climatique en cours, même si certains, en 2019, le nient encore, même si d’autres nous disent qu’il vaudrait mieux se soucier de la démographie humaine, les bras nous tombent un peu devant ce qui, à nos yeux, relève non seulement pour beaucoup de Greenwashing mais, de plus, d’un déni de responsabilité devant les générations futures

Alors point final !

Que chacun se fasse son idée de l’emploi de tels produits et de sa responsabilité en tant que fabricant, commerçant, prescripteur, applicateur ou utilisateur car, comme le disait Coluche (vidéo) “… Quand on pense qu’il suffirait que les gens arrêtent de l’acheter pour que ça ne se vende plus !

Source des illustrations : rjustynkalp, Michal Jarmoluk,kalhh, PublicDomainPictures, cocoparisienne, prvideotv de Pixabay 

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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